|
HRM-BUENCYC2 25 €
Dans ce Volume 2, l'auteur (historien pour les postulateurs qui travaillent sur la cause des Saints au Vatican, Joachim Bouflet est considéré comme l'un des meilleurs experts mondiaux des phénomènes "extraordinaires" - ou surnaturels - qui ont marqué la vie de ces hommes et femmes hors du commun, appelés à être béatifiés, ou à devenir des Saints) aborde les phénomènes suivants:
Tous les chapitres disponibles par Tome (cliquer la couverture) Tables des Matières du Tome 2
Encyclopédie des Phénomènes Extraordinaires de la Vie Mystique
Tome 2 Le jardin des Livres Paris Après un volume traitant des phénomènes objectifs extraordinaires qui signalent parfois l'expérience mystique, ce deuxième tome aborde la présentation et l'étude des phénomènes subjectifs : ceux où la volonté, le désir ou une simple inclination semblent favoriser la survenue de certains prodiges, qui seraient en quelque sorte la concrétisation de souhaits plus ou moins explicites des sujets concernés ou de leur entourage. A cause précisément du caractère subjectif (en partie) de ces manifestations insolites, le discernement en est rendu plus délicat, quand bien même l'élément objectif ne manque jamais, qui inscrit les faits dans la réalité. Il semble que nous soyons là à mi-chemin entre les phénomènes objectifs et la gamme de pouvoirs encore mal connus du psychisme - du mental -, comme le sont par exemple la télépathie, la précognition, parfois si aiguë qu'elle devient authentique prophétie, la vue à distance, la lecture des consciences, les expériences au frontières de la mort, etc. qui feront l'objet du troisième tome, dès lors qu'elles s'inscrivent dans un contexte religieux, plus précisément chrétien, et qu'elle revêtent une portée charismatique.
Si subjectifs qu'ils soient, les phénomènes abordés dans ce deuxième tome intéressent encore l'activité physique, corporelle, de ceux qui les expérimentent : l'inédie touche les fonctions organiques que sont la nutrition et l'excrétion  - qu'ils soient ceux de l'hostie consacrée ou d'objets inanimés - se déroulent sur le plan spatio-temporel du sujet, de même que la bilocation  éléments est exercé, par les serviteurs de Dieu qui en sont favorisés, dans le cadre concret de leur vie, dans la réalité de l'incarnation. Les bénéficiaires de ces phénomènes subjectifs apparaissent comme des médiateurs entre le visible et l'invisible, et ce rôle est souligné par les médiations invisibles dont ils sont eux-mêmes les témoins, tantôt étonnés, tantôt anxieux : aussi n'est-il pas étonnant que l'on voie intervenir dans ce type de manifestations des intermédiaires ou des envoyés du Ciel, les plus connus étant les anges 1. Mais les saints - en premier lieu la Vierge Marie - sont également présents et agissants dans le déroulement de ces phénomènes subjectifs extraordinaires dans la vie mystique, les ramenant, pour le plus grand bien des hommes, à leur source et cause première qui est Dieu.
C h a p i t r e 1
Le jeûne est une ascèse connue dans l'Eglise dès les origines. Loin d'avoir été inventée par le christianisme, cette pratique existait déjà dans les religions archaïques du Moyen-Orient, où elle était étroitement liée à des rites magiques de passage : d'une année à l'autre, de la puberté à l'âge adulte, de la vie à la mort. Elle véhiculait des notions de renouvellement, d'initiation, de transformation. Repris par le judaïsme et débarrassé de ses entours magiques, le jeûne est devenu un des actes religieux essentiels de la piété d'Israël  le repentir de l'homme qui, par le péché, a brisé l'alliance avec Dieu, et sa volonté de voir rétablie cette alliance : il manifeste donc une disposition intérieure à recevoir le pardon divin, afin d'en être renouvelé, restauré dans un état de grâce. Dans ce contexte religieux où toute épreuve est considérée comme un châtiment divin, la signification du jeûne s'élargit : associé à la prière de supplication, il est "le comportement typique de quiconque ne compte plus que sur le secours de Dieu"2, et il acquiert une dimension d'imploration, parfois étendue aux autres comme signe d'intercession pour eux (cf. Esther 4, 16). Cette fonction de médiation pour le peuple se retrouve dans les jeûnes de quarante jours et quarante nuits effectués par Moïse (cf. Exode 34, 28 et //) et par Elie (1 Rois 19, 8), qui se préparaient ainsi à la rencontre avec Dieu : ascèse de la créature, le jeûne est une démarche d'humilité et de dépendance en face de la sainteté du Créateur dont on attend le salut. Dans cette perspective, les juifs pieux consacraient au jeûne plusieurs jours de l'année, en dehors de l'abstinence obligatoire de la fête des Expiations (cf. Lév. 16, 29) et des jeûnes de précepte institués après l'Exil.
Dimension religieuse du jeûne dans le christianisme
Sous l'influence des prophètes, cette forme d'ascèse sous-tendue par la prière se doubla d'£uvres de miséricorde qui lui conféraient une valeur encore plus spirituelle, dans la mesure où elle était ainsi directement ordonnée aux préceptes fondamentaux de la charité fraternelle et d'une justice sociale accrue :
Le jeûne de Jésus au désert - le texte ne précise pas s'il s'agit d'une absolue privation de nourriture et de boisson durant quarante jours, c'est-à-dire d'une inedia 3 - récapitule les dimensions du jeûne tel qu'il était perçu et pratiqué par les juifs pieux, en particulier les 'Anawim ou pauvres de Yahvé. Bien plus, cette quarantaine a une signification prophétique:
La dimension prophétique de ce jeûne apparaît à l'évidence dès lors que l'on établit le parallèle avec Moïse : le Christ est le nouveau Moïse, qui vient apporter à son peuple la loi parfaite et la délivrance définitive.
Fondements scripturaires du jeûne chrétien
Si, durant son ministère, Jésus observa les préceptes de la Loi relatifs au jeûne, les Evangiles ne mentionnent point d'abstinences extraordinaires auxquelles il se serait soumis5. Par l'exemple et les enseignements qu'il en a donnés dans sa vie terrestre, le Seigneur a conféré au jeûne une signification nouvelle, en blâmant le côté extérieur, ostentatoire, dont les pharisiens s'étaient fait une spécialité :
Pour Jésus, le jeûne est affaire privée entre l'âme et Dieu. Il n'en condamne pas l'expression dès lors que celle-ci n'est pas motivée par la recherche de la vaine gloire :
La fin surnaturelle du jeûne est donc la glorification de Dieu. Jésus l'entend bien ainsi lorsqu'il affirme :
élargissant ainsi la réponse qu'il a faite au Tentateur dans le désert :
En disant que sa nourriture est de faire la volonté du Père, le Christ annonce son engagement résolu dans la voie d'obéissance filiale qui le mènera jusqu'à la mort sur la croix : c'est au Calvaire que s'accomplit la volonté du Père, l'£uvre du Père, le don du salut aux hommes dans la personne du Christ crucifié et glorifié.
Evolution du jeûne dans le christianisme
Reprenant l'exemple et l'enseignement du Sauveur, l'Eglise élabore dès l'origine sa doctrine du jeûne en relation avec la personne du Christ, en particulier dans le mystère central qu'est la Rédemption. Déjà au IIe siècle, des jeûnes réguliers sont institués, en étroite connexion avec le mystère du Christ : jeûne préparant le catéchumène au baptême (cf. Didachè 8, 4) - sacrement qui incorpore le fidèle au Christ crucifié et glorifié -  mercredi et du vendredi, se substituant aux jeûnes juifs du lundi et du mercredi, et présentés en relation explicite avec la Passion du Christ, comme le développent nombre de Pères grecs et latins, "car c'est le mercredi que le Sauveur a été trahi, le vendredi qu'il a été crucifié". Au IIIe siècle apparaît le jeûne pascal, qui précède d'au moins deux jours (vendredi et samedi) la célébration de la Résurrection du Christ  que comme préparation jubilatoire à la Résurrection :
Comme le souligne l'auteur, ce jeûne pascal est le jeûne eucharistique par excellence, il est
Cette dimension jubilatoire du jeûne, que l'Eglise redécouvre depuis quelques années, fut expérimentée par des inédiques contemporaines, telles Theres Neumann et Teresa Palminota. L'institutionnalisation, au IVe siècle, du jeûne quadragésimal, infléchit la conception du jeûne dans un sens plus ascétique, plus pénitentiel : il devient tout à la fois commémoration de l'inedia de Jésus au désert et participation à la Passion et à la croix du Sauveur, dans lesquelles le baptisé est invité à opérer sa propre conversion, sa metanoia, ce que résume le pape saint Léon le Grand au Ve siècle :
A partir du Ve siècle, la doctrine de l'Eglise est pratiquement fixée : la dimension ascétique du jeûne prend le pas sur toute autre considération, et c'est dans cette perspective de pénitence en vue de la metanoia qu'il évoluera au fil des âges, sans renier pour autant sa référence au mystère de la Rédemption. Dès lors, sous l'influence du monachisme notamment, le jeûne devient un instrument de la sanctification requise de tout baptisé en vue de sa déification dans le Christ crucifié et glorifié :
A plus forte raison, l'inédie mystique apparaît comme signe de la déification commencée du corps humain. Mais si le jeûne a été très tôt institutionnalisé dans l'Eglise, celle-ci est toujours restée fort prudente quant à ses modalités, cherchant avant tout à diriger les fidèles dans la voie commune et s'efforçant de discerner, dans le cadre de certaines vocations particulières, les authentiques motions de l'Esprit. Cela n'a parfois pas été sans mal : lorsque des âmes aussi vertueuses et équilibrées que Maria Maddalena de' Pazzi ou Veronica Giuliani ont cru percevoir un appel intérieur à entreprendre des jeûnes exceptionnels confinant à l'inédie, l'autorité ecclésiastique est intervenue avec sagesse pour contenir de telles pratiques ascétiques dans les limites du raisonnable. C'est précisément sur ce critère du "raisonnable" que s'évalue le charisme de l'inédie mystique qui, si excessif, contre-nature, puisse-t-il paraître, ne porte jamais la moindre atteinte à l'intégrité physique et psychique du sujet, non plus qu'à son équilibre spirituel.
En sa grande sagesse, l'Eglise a toujours recommandé aux fidèles comme aux pasteurs la prudence et le discernement dans l'application pratique de sa doctrine sur le jeûne  dans le cadre des ordres monastiques les plus austères - dont la Règle préconise une perpétuelle abstinence d'aliments carnés, par exemple -, jamais un engagement formel au jeûne n'a été requis. A plus forte raison, le jeûne n'a jamais fait dans l'Eglise l'objet d'un v£u quelconque : tout au plus, certaines âmes éprises d'ascèse auront-elles pu s'engager, à titre privé et avec l'accord de leur directeur spirituel, à observer des jeûnes plus ou moins longs, plus ou moins sévères. Et surtout, jamais l'Eglise n'aura admis qu'aucun de ses membres, fût-il d'une envergure spirituelle peu commune, fît v£u d'inédie : ce serait présomption de la part du jeûneur que de s'engager à une telle performance, et folie de la part de l'autorité ecclésiastique que de cautionner ce genre de démarche. Aussi ne peut-on absolument pas souscrire à l'affirmation de Jean-Jacques Antier, lorsqu'il écrit : "On distingue les inédiques volontaires qui ont fait v£u de jeûne absolu, et ceux à qui cela est imposé" (11).
Aucun des inédiques catholiques n'a jamais émis le v£u de jeûne absolu, ils ont vécu ce phénomène faisant irruption dans leur existence à la fois comme une proposition divine et, dans ses modalités, comme une contrainte imposée à leur nature, leur permettant, la grâce aidant, d'évoluer vers un état de parfait abandon à l'indéchiffrable dessein de Dieu. Ils ont perçu dans l'inedia un appel à vivre quelque chose de mystérieux en quoi ils apprirent progressivement à rejoindre le mystère de l'espérance dans son objet : le Christ ressuscité et les biens de la vie à venir. Ne plus être en mesure de se nourrir a été pour le plus grand nombre d'entre eux une douloureuse épreuve, d'ordre psychologique autant qu'organique. Ils y ont connu la souffrance de la faim et de la soif, parfois les tentations de la gourmandise  ils y ont expérimenté des abîmes insoupçonnés de pauvreté, de dépendance et d'humiliations  mais aussi, ils ont touché du doigt à l'évidence la vérité des paroles du Christ, pour les avoir vues se réaliser, s'incarner en eux, communiquant ainsi à leur vécu hors normes une portée de signe, une dimension charismatique pour l'Eglise et leurs frères.
Du jeûne religieux à l'inédie mystique
L'inédie, au sens strict du terme, est la privation absolue de toute nourriture, liquide ou solide. Elle se distingue du jeûne, et même de formes d'abstinence extrêmement sévères qui ont existé dans le monachisme primitif. Elle ne saurait être assimilée à l'anorexie, dont les effets comme les causes sont radicalement différents. L'inédie des mystiques est un phénomène extraordinaire qui résulte d'un ensemble de mécanismes complexes d'ordre biologique et psychologique, mis en branle simultanément et dont chacun des éléments considéré indépendamment des autres est susceptible de recevoir une explication naturelle. Mais si les causes sont explicables - au moins en partie -, leur agencement offre un caractère déroutant qui, à défaut de prouver l'origine surnaturelle du prodige, nous invite à nous poser la question d'un ordre providentiel en action. Un rapide tour d'horizon chronologique nous permettra de circonscrire et de préciser le phénomène, somme toute bien plus rare qu'on l'imaginerait a priori.
Les Pères du désert (IV-VIèmes siècles) ne semblent pas avoir connu l'inedia. Dans la démarche ascétique qu'était la leur, ils ont accompli de véritables prouesses d'abstinence, mais Hélène Renard a montré que ces formes extrêmes du jeûne - poussé parfois, au péril de leur vie, jusqu'à ses limites ultimes -, n'avaient rien de surnaturel 12, sinon leur motivation. Citons à titre d'exemple saint Syméon Stylite qui, une fois,
Ayant passé la fin de son existence sur une colonne, à Qala'at Sema'an en Syrie - ce qui lui valut son surnom -, il n'en poursuit pas moins ses terribles macérations, au point que lorsqu'il s'incline pour adorer Dieu,
Si adonnés à la pénitence qu'ils fussent, les saints du désert avaient besoin d'un minimum vital en matière de nourriture  d'inanition, mais aucun ne se laissa jamais mourir de faim - c'eût été une forme de suicide -, et aucun n'a franchi la limite qui sépare le jeûne le plus austère de l'inédie à proprement parler. La mésaventure que connut un autre stylite l'illustre bien :
En réalité, pour excessives que paraissent certaines pratiques d'abstinence et de jeûne des saints du désert, la règle générale qui modérait les performances dont certains de ces ascètes pouvaient être tentés - au point d'indisposer leurs compagnons ou visiteurs -, est contenue en cette maxime de saint Marcien, ermite dans la solitude de Chalcis au IVe siècle :
Nous estimons le jeûne plus que la nourriture, mais nous savons aussi que la charité est plus agréable à Dieu que le jeûne, parce que sa loi nous le commande, alors que le jeûne dépend de nous : or il n'est pas douteux que nous devons estimer les commandements de Dieu bien plus que nos austérités.
Le jeûne, fût-il poussé jusqu'à ses limites extrêmes, non plus que l'inédie mystique, ne sauraient se substituer à la charité : contrairement à celle-ci, ils ne font pas l'objet d'un commandement de Dieu. Tout au plus, le jeûne fait l'objet d'un précepte en vue de la perfection dans la charité, à laquelle il est ordonné. Quant à l'inédie, grâce d'un ordre particulier et souvent de portée charismatique, elle est également au service de la charité.
Brève histoire de l'inédie
Un des premiers exemples d'inédie que l'on rencontre dans l'histoire de l'Eglise en Occident est peut-être au XIe siècle celui du moine d'Eynsham, près d'Oxford, signalé par Thurston :
Inédie ou anorexie ? Il est difficile d'en juger. Un peu plus tard, l'ermite et thaumaturge Girard de Saint-Aubin est réputé n'avoir strictement rien mangé ni bu durant les sept années qui précédèrent sa mort en 1123, mais le fait n'est pas attesté de façon suffisamment convaincante.
A partir de là, chaque siècle a été illustré par divers cas d'inédie. Il ressort toutefois d'une rigoureuse étude des documents que nombre des faits allégués reposent sur des données fragiles, et les cas bien attestés sont rares. De nos jours encore, il arrive ça et là que l'on fasse mention d'un jeûneur, ou plutôt d'une jeûneuse, car ce sont presque toujours des femmes. Ainsi, lorsque la stigmatisée Marthe Robin mourut, le 6 février 1981, les médias mentionnèrent l'événement en la présentant comme une inédique, insistant sur le fait qu'elle était réputée n'avoir absorbé aucun aliment - liquide ou solide - depuis plus de cinquante ans. Et le père Laurentin a consacré en 1993 un gros livre à une certaine Madame « R » - Rolande N., aujourd'hui décédée - qui aurait été une des plus remarquables inédiques du XXe siècle17. La plupart des biographies de mystiques (le plus souvent stigmatisées) qui paraissent de nos jours font une large part à l'inédie réelle ou supposée des sujets, tant il est vrai que, dans notre société de consommation imprégnée de matérialisme, le fait de ne pas se nourrir semble une aberration hors du commun, sinon scandaleuse.
Légendes et réalités du Moyen Age
Sainte Alpaïs est l'une des plus anciennes inédiques dont on connaisse bien la vie. Fille de paysans, elle contracta durant son adolescence une sorte de lèpre qui inspirait à ses proches une insurmontable répulsion  lançait de loin les quignons de pain d'orge qui constituaient sa nourriture, et finalement ses frères interdirent qu'on s'occupât de cette bouche désormais inutile. Alpaïs, qui était pieuse et simple, supporta son jeûne forcé et finit par s'y habituer. Au terme de plusieurs années de maladie, elle fut guérie miraculeusement lors d'une apparition de la Vierge Marie, qui l'assura qu'elle vivrait désormais sans nourriture. Il en fut ainsi : s'étant faite recluse dans l'église des augustins de Cudot - où l'on venait la visiter pour s'édifier à son contact -, Alpaïs passa les dernières années de son existence dans un jeûne absolu, hormis la sainte eucharistie. Elle mourut en 1211, âgée de quelque soixante ans. Ce qui fait l'intérêt de ce cas, bien documenté, est le contrôle de l'inédie par une commission que nomma l'archevêque de Sens 18.
Contemporaine d'Alpaïs et comme elle recluse, la bienheureuse Marie d'Oignies fut sujette à divers phénomènes extraordinaires qu'étudia son confesseur et biographe Jacques de Vitry. Elle connut des périodes de jeûne prolongé pendant lesquelles elle n'absorbait pour toute nourriture que l'eucharistie, notamment une fois durant trente-cinq jours, et une autre fois pendant les cinquante-trois jours qui précédèrent sa mort, en 1213. Le témoignage de Jacques de Vitry, homme d'une vaste intelligence et d'une conscience aiguë, ne saurait être écarté aisément 19  mais un jeûne de cinq semaines, si impressionnant que soit l'exploit, n'a rien d'absolument impossible, et la deuxième période d'inédie - plus longue - s'est terminée avec la mort de Marie :
On ne peut exclure qu'il s'agissait, pour partie au moins, de désordres pathologiques, assumés et relus dans le cadre d'une authentique expérience mystique, surtout quand on prend en considération les manifestations d'ordre psychosomatique - hyperesthésie olfactive et gustative, insensibilité à la lumière et au bruit - qui accompagnaient cette privation de nourriture. Dans ces divers exemples, les témoins se limitent à mentionner le prodige et à décrire les phénomènes qui éventuellement l'accompagnent, sans pousser plus avant l'investigation sur les causes et le mécanisme de ces jeûnes prodigieux.
Parmi d'autres exemples d'abstinence extraordinaire, la figure emblématique du jeûne mystique au Moyen Age est sans conteste sainte Catherine de Sienne (1347-1380), dont le biographe Raymond de Capoue, qui fut son confesseur, s'est efforcé d'exposer la dimension spirituelle : SUITE DANS LE LIVRE
|
|