Le Livre des Secrets d'Enoch

HRM-BUSECRETS
24 €



Pierre Jovanovic

André Vaillant

Professeur du Collège de France, Professeur à l'Institut

National des Langues Orientales, Directeur d'Etudes

à l'Ecole pratique des Hautes Etudes.


Le Livre des

Secrets d'Enoch


Le jardin des Livres

Paris


Œuvres d'André Vaillant :


« Grammaire de la langue Serbo-Croate », en collaboration avec Meillet, 1924. Ed. Institut des Etudes Slaves.




« De Virginitate de Saint Basile », vieux-slave, 1943. Institut des Etudes Slaves.




« L'Evangéliaire de Kulakia » slave du Bas-Vardar  collaboration avec André Mazon, 1938. Ed. Institut des Etudes Slaves.





« La prise de Jérusalem, de Josèphe le Juif » vieux-russe. Traduction avec Istiun et Pascal, tome I et II, 1934. Ed. Institut des Etudes Slaves.


Voir aussi :


« Mélanges d'André Vaillant », articles en hommage à André Vaillant par ses disciples et amis, Paris, 1964. Ed. Institut des Etudes Slaves.



de Pierre Jovanovic :


Disponible : « Enoch : Dialogues avec Dieu et les Anges ». Document, Ed. Jardin des Livres. ( avec Anne-Marie Bruyant )


Disponible : « Enquête sur l'Existence des Anges Gardiens, 600 pages » Document-Essai, réédition enrichie en 2004, version « présidentielle » (avec F. Mitterrand sur les Anges) de 600 pages. Ed. Jardin des Livres.


Disponible : « Le Prêtre du Temps » Roman. Ed. Jardin des Livres. 15 chapitres en ligne www.jardindeslivres.com.


Disponible : « Biographie de l'Archange Gabriel » Biographie. www.jardindeslivres.com/05gaby1.htm


Disponible : « L'Explorateur de l'au-delà » Le Jardin des Livres. www.jardindeslivres.com/explorateur.htm ( avec Anne-Marie Bruyant )




ENOCH : il apparaît dans la Bible, Livre de la Genèse ( 5, 18-24 ), comme grand-père de Mathusalem. Le texte précise qu'il fut soudain emporté par Dieu.


LIVRE D'ENOCH : après avoir appartenu à la Bible, le Livre d'Enoch fut déclaré hérétique au IIIe siècle parce qu'il développait en détails le chapitre 6 de la Genèse où il est dit que quelques Anges se révoltèrent contre Dieu et décidèrent de descendre sur Terre pour épouser les filles des hommes.


AVANT 1950 : le Livre d'Enoch ayant été détruit à partir du IIIe siècle, il a disparu totalement de la circulation pendant 1400 ans. Redécouvert en Ethiopie au XVIIIe siècle, et traduit au XIXe, il a été déclaré à nouveau comme l'oeuvre d'un faussaire à cause de l'évident anachronisme des 80 passages du Nouveau Testament qui s'y trouvent.


APRÈS 1950 : la découverte du Livre d'Enoch dans les Manuscrits de la mer Morte a tout changé : daté entre -300 et -200, ce n'était évidemment plus l'oeuvre d'un faussaire. Du coup, cet anachronisme en a épaissi le mystère.


MAINTENANT : le Livre d'Enoch remettant trop de points et surtout trop d'idées reçues en question, le débat a été vite clos. En revanche, les universitaires continuent à en analyser chaque lettre...





Dieu a fait toute chose visible de l'invisible. Lui de­meure invisible. Aussi je vous informe de ces choses, mes enfants. Pour cela je distribue les livres à vos enfants et à toutes vos gé­nérations à venir. Parmi les nations qui craindront Dieu, qu'elles ac­cueillent ces livres et les aiment plus que les nourritures et dou­ceurs terrestres et surtout qu'elles les lisent afin d'appli­quer leur contenu. Mais ceux qui ne comprennent pas le Seigneur, qui ne craignent pas Dieu et qui n'acceptent pas les livres, un terrible jugement les attend. Béni est l'homme qui portera et transmettra leur en­seignement, car il sera libéré au jour du grand jugement.

Chapitre 48, du Livre d'Enoch éthiopien, in « Enoch, Dialogues avec Dieu et les Anges », Jardin des Livres, 2002



« Regardez mes mains, la main droite d'un simple mor­tel.

Mais moi, j'ai vu la main droite de Dieu remplir le ciel d'étoiles

uniquement pour m'aider à comprendre com­ment Il a créé toute chose »


Enoch parlant de Dieu


« Je maudis l'ignorance »


Dieu s'adressant à Enoch





I


Dossier Historique

du Livre d'Enoch

Slavonique


Pierre Jovanovic






~ 1 ~


L'incroyable réputation

du Livre d'Enoch







Il a toujours été dit que le Livre d'Enoch portait chance à toute personne qui en possédait une copie. Cette légende vient sans doute de cette phrase d'Enoch au chapitre 48 de la version éthiopienne :


« Dieu a fait toute chose visible de l'invisible. Lui de­meure invisible. (...) Pour cela je distribue les livres à vos enfants et à toutes vos gé­nérations à venir. Parmi les nations qui craindront Dieu, qu'elles ac­cueillent ces livres et les aiment plus que les nourritures et dou­ceurs terrestres et surtout qu'elles les lisent afin d'appli­quer leur contenu. (...) Béni est l'homme qui portera et transmettra leur en­seignement, car il sera libéré au jour du grand jugement1».


Sachant que ces lignes ont été écrites voici au moins 2300 ans, le temps a donné à cette bénédiction un « certain » poids, indépendamment de sa garantie absolue d'obtenir une entrée VIP pour le jour du Jugement dernier... Même la Bible n'offre pas une telle assurance. On comprend dès lors pourquoi les rabbins, puis les prêtres catholiques ont condamné le Livre d'Enoch.

Avec lui, ils perdaient leur clientèle...

Mais peut-être, est-ce aussi parce que la présence de Dieu est quasiment palpable dans les descriptions d'Enoch, et plus particulièrement dans sa version slavonique ?

Si Enoch est un peu ennuyeux lorsqu'il tance ses semblables, il ne l'est plus dès qu'il raconte son voyage hors du corps en compagnie d'Anges, et devient totalement lyrique lorsqu'il rencontre Dieu. On sent clairement qu'il a vécu cette expérience et qu'à cet instant, sa façon d'écrire n'a rien à envier à Dante  retour dans son corps  qui est, du point de vue littéraire, quelconque.

Pourquoi ? Parce que dans la première partie, les principaux personnages sont les Archanges Gabriel, Michaël, Uriel et Pravuil, et, bien sûr, Dieu qui décide de se confier et de lui expliquer pourquoi Il a eu l'idée de créer le monde et des âmes pour le parcourir. Enoch assiste même au spectacle extraordinaire du Créateur demandant à l'un de Ses Archanges de lui apporter des... livres :


« [ Pravuil, ] apporte-Moi les li­vres de Ma bibliothèque, ainsi qu'un roseau pour écrire et donne-les à Enoch. Donne-lui également les livres de ton choix, ceux qui ré­confortent2».


On apprend ainsi que Dieu possède une bibliothèque avec un rayon « bien-être », puisque, précise-t-Il, « voilà tout ce que Je t'ai dit, (...) et tout ce que J'ai, dans Ma grande sagesse, écrit dans des livres, tou­tes ces choses que J'ai conçues et créées, du sommet de la fonda­tion, jusqu'en bas3». Et là, Dieu prononce cette phrase qui, à elle seule, résume tout Son mystère et toute Sa mélancolie, mais aussi toute Sa splendeur :




« Pourtant, si même le Soleil a trouvé la paix dans sa course, Moi, parce que Je créais toute chose et parce que J'ai conçu l'idée de placer des fondations et de créer des créatures visibles, Je ne trouve jamais la paix4».




Le fait de disposer d'une bibliothèque trahit l'attachement de Dieu aux livres, confirmé par cette phrase terrible prononcée un peu plus loin : « Je maudis l'ignorance5». D'ailleurs, en cadeau de départ, Dieu offre à Enoch des... livres et deux Anges !


« Je te donne les Anges Sariel et Raguel qui t'ont conduit jusqu'ici, ainsi que des livres ».


Mais s'Il les offre, c'est avec une idée très précise derrière la tête :


« Donne [ aux hommes ] des livres écrits à la main, et ils les liront, et Me connaîtront comme Créateur de toutes choses. Ils comprendront qu'il n'y a pas d'autre Dieu que Moi. Laisse-les distribuer les livres que tu as écrits aux enfants de tes enfants, générations après générations, nations après nations. Et Je te donne, à toi Enoch, Mon intercesseur l'ar­chistratège Michaël, pour les écrits de tes pères6».


Et pour être certain d'être bien compris, Dieu n'hésite pas à répéter :


« Je te dis, que tous peuvent lire et comprendre qu'il n'y a pas d'autre Dieu que Moi. Et qu'ils peuvent toujours suivre Mes commande­ments, et commencer à lire et se servir dans les livres que tu as écrits7».


Enoch se retrouve donc avec :

a ) des livres issus de la grande bibliothèque de Dieu 

b ) deux Anges gardiens. Pas pour le protéger, puisqu'il ne lui reste plus que 30 jours à vivre sur terre, mais bien pour l'inspirer à écrire son livre avant son départ 

c ) un Archange, Michaël en personne, afin de défendre les écrits d'Enoch, une fois celui-ci rappelé au ciel.


Notons ensuite la vision panoramique, ou intemporelle, de Dieu : Il dit clairement ( et Il insiste lourdement ) que le livre d'Enoch sera lu « générations après générations » et même « nations après nations », ce qui comprend aussi les évolutions géopolitiques, comme par exemple Sumer devenant  raccourci historique  l'Irak d'aujourd'hui.

On comprend alors que le Livre d'Enoch ne peut pas mourir. Et il est vrai qu'avec l'Archange Michaël pour parrain et deux anges gardiens ( Arioch + Marioch ), ce livre a pu résister non seulement au Déluge mais aussi à l'Inquisition de l'Eglise catholique... Forcément, il a la « Baraka8» comme le disent les musulmans chez lesquels Enoch s'appelle Idriss, le « grand prophète qui a inventé l'écriture ».


Puisque Dieu en personne se trouve dans les lignes et qu'Il a béni l'ouvrage, le Livre d'Enoch ne peut donc que porter chance à celui qui le lit... Ici, c'est le pari de Pascal9 qui entre en jeu.



~ 2 ~


Les Ailes du Désir




En 1987 sortait sur les écrans un film énigmatique de Wim Wenders, énigmatique parce que tourné pour une grande partie en noir et blanc avec une mise en scène un peu déroutante : le spectateur était mis dans la peau de l'Ange Bamiel qui observait et écoutait les humains en compagnie de l'Ange Cassiel. Curieusement, Wenders avait choisi une bibliothèque pour nous montrer le fonctionnement d'un Ange, comme si ce lieu avait une relation avec le Paradis ( dans le 10e Ciel exactement, selon Enoch ) où même Dieu, comme on l'a vu, y possède la sienne.

Or, il se trouve que Wim Wenders, sans trop le savoir ( puisqu'il n'en a jamais parlé dans ses interviews ) aborde LE thème qui a valu en grande partie la condamnation du Livre d'Enoch, celui des Anges descendus sur Terre pour faire l'amour aux humaines... Idée hérétique pour un saint Augustin sérieusement frustré et surtout par la perspective que le Christ ait pu lire lui-même ce livre. Pourtant, à l'époque de Sumer, qu'une divinité s'éprenne d'une jeune femme n'avait rien de choquant, témoin cette tablette sumérienne, référencée comme la « CBS 14061 », et qui parle d'un jeune dieu tombé amoureux de la fille d'un grand prêtre de Ninab. Le jeune Martu se plaignait ainsi à sa mère, elle-même déesse :


« Dans ma cité, j'ai des amis qui ont pris femme. J'ai des compagnons qui ont pris femme. Dans ma cité, et contrairement à mes amis, je n'ai pas pris de femme. Je n'ai pas de femme, je n'ai pas d'enfants ».


Sa mère lui demanda alors si la femme qu'il désirait « appréciait son regard » et consentit à leur union avec la « mortelle ». Mais Enlil, le chef des dieux, devint fou de rage à l'idée que le sang des dieux, le sang des Annunaki, soit souillé à jamais par ces mariages impurs avec les filles des hommes et surtout par le fait que ses jeunes dieux préfèrent vivre libres sur Terre plutôt que de recevoir ses ordres divins. Et de rage, Enlil décréta : « Je vais effacer tous ceux que j'ai créés de la face de la Terre10». Cette tablette, serait-elle la source originelle du Livre d'Enoch ? Toujours est-il que le texte a été repris par le rédacteur de la Genèse, au chapitre 6 :


« Et il arriva quand les hommes commencèrent à se multiplier sur la face de la terre et que des filles leur fu­rent nées, que les fils de Dieu virent les filles des hommes, qu'elles étaient belles, et ils se prirent des femmes d'entre toutes celles qu'ils choisirent.

Les Géants étaient sur la terre en ces jours-là, et aussi après que les fils de Dieu furent venus vers les filles des hommes et qu'elles leur eurent donné des enfants : ceux-ci furent les vaillants hommes de jadis, des hommes de renom11».


Notez comment ce texte biblique vieux d'un siècle a été « fleuri » afin que la plupart des gens passent à côté... Alors voyons pour le principe le même extrait dans la nouvelle et à la limite du mauvais goût, Bible Bayard ( qui a aussi trouvé le moyen de remplacer la plupart du temps le terme « Ange » par « messager » ) , publiée en 2001 :


« L'adam devient multitudes sur la surface du sol. Aux multitudes naissent des filles.

Les fils des dieux voient la beauté des filles de l'adam et se font des femmes de toutes celles qu'ils désirent.

Il y a sur la Terre les Nefilim, ces géants de célèbre mémoire, toujours là après que les fils des dieux vont aux filles d'Adam qui enfantent12»


Le commun des mortels ne peut pas savoir que les Nefilim13 sont avant tout des Anges, au nombre de 200, déchus de leur statut par Dieu pour justement s'être révoltés afin de s'accoupler avec des femmes. Ce fut en quelque sorte le Mai 68 des Anges14. Le Livre d'Enoch a donc été mis à l'Index parce qu'il était le seul à totalement développer ce sujet « politiquement incorrect » en décrivant dans les moindres détails les protagonistes, les lieux, les circonstances et les raisons de cet incident céleste. Enoch avait même précisé que les enfants de ces Nefilim étaient devenus les géants mythiques. Or la Bible Bayard « balade » son lecteur en lui faisant volontairement confondre les Géants avec les Anges qui les ont engendrés !

Curieux comme démarche au XXIe siècle, non ?

Bref, les Anges en général, et Enoch en particulier, embarrassent encore bien des gens, et surtout les tenants de la « pensée unique catholique » qui ne peuvent accepter que plus de 80 passages du Livre d'Enoch se retrouvent dans les quatre Evangiles15. Cela reviendrait à remettre en cause tout l'enseignement théologique ! Et reconnaître que le Christ le citait régulièrement poserait un problème encore plus grave : le Livre d'Enoch deviendrait aussi important que les Evangiles.


Impensable.


~ 3 ~


L'intuition de Voltaire




Aussi étonnant que cela puisse paraître, Enoch a toujours été considéré, et ce bien avant l'ère chrétienne, comme l'inventeur du calendrier, de l'astronomie et surtout de l'écriture. Voltaire, pourtant éminent rationaliste, fut lui aussi intrigué par ce personnage en travaillant sur son Dictionnaire philosophique, ouvrage avec lequel il voulait, une fois pour toutes, « réfuter toutes les fables de la Bible ». Le philosophe mena des recherches aussi complexes qu'approfondies sur Enoch, mais, de guerre lasse, abandonna. Ce personnage biblique était trop compliqué. De plus, il se perdait dans la nuit des temps :


« Enoch est un personnage aussi singulier qu'Elie, à cela près que la Genèse nomme son père et son fils. (...) Les Orientaux et les Occidentaux ont célébré cet Enoch. La sainte Ecriture, qui est toujours notre guide infaillible, nous apprend qu'Enoch (...) marcha avec Dieu, et qu'il ne parut plus, parce que Dieu l'enleva. ''C'est ce qui fait'', dit dom Calmet, ''que les Pères et le commun des commentateurs assurent qu'Enoch est encore en vie, que Dieu l'a transporté hors du monde aussi bien qu'Elie, qu'ils viendront avant le Jugement dernier s'opposer à l'Antéchrist, qu'Elie prêchera aux Juifs, et Enoch aux Gentils''.

Saint Paul, dans son Epître aux Hébreux ( qu'on lui a contestée ), dit expressément : ''C'est par la foi qu'Enoch fut enlevé, afin qu'il ne vît point la mort  transporta ''.

Saint Justin, ou celui qui a pris son nom, dit qu'Enoch et Elie sont dans le paradis terrestre, et qu'ils y attendent le second avènement de Jésus-Christ.

Saint Jérôme, au contraire, croit qu'Enoch et Elie sont dans le ciel.

C'est ce même Enoch, septième homme après Adam, qu'on prétend avoir écrit un livre cité par Saint Jude. Tertullien dit que cet ouvrage fut conservé dans l'Arche, et qu'Enoch en fit même une seconde copie après le Déluge.

Mais les profanes de l'Orient en disent bien davantage. Ils croient en effet qu'il y a eu un Enoch, et qu'il fut le premier qui fit des esclaves à la guerre : ils l'appellent tantôt Enoch, tantôt Edris  que c'est lui qui donna des lois aux Egyptiens sous le nom de Thot, appelé par les Grecs ''Hermès Trimégiste''. On lui donne un fils nommé Sabi, auteur de la religion des Sabiens ou Sabéens. Il y avait une ancienne tradition en Phrygie sur un certain Anach, dont on disait que les Hébreux avaient fait Enoch. Les Phrygiens tenaient cette tradition des Chaldéens ou Babyloniens, qui reconnaissaient aussi un Enoch, ou Anach, pour inventeur de l'astronomie.

On pleurait Enoch un jour de l'année en Phrygie, comme on pleurait Adoni, ou Adonis, chez les Phéniciens. L'écrivain ingénieux croit qu'Enoch, Anach, Annoch, signifiait l'année  qu'Adonis, et qu'ils se réjouissaient au commencement de l'année nouvelle  Que le Janus connu ensuite en Italie était l'ancien Anach, ou Annoch, de l'Asie  signifiait autrefois chez tous ces peuples le commencement et la fin de l'an, mais le dernier jour de la semaine  d'Anne, de Jean, de Januarius, Janvier, ne sont venus que de cette source.

Il est difficile de pénétrer dans les profondeurs de l'histoire ancienne. Quand on y saisirait la vérité à tâtons, on ne serait jamais sûr de la tenir. Il faut absolument qu'un chrétien s'en tienne à l'Ecriture, quelque difficulté qu'on trouve à l'entendre16».


Voltaire, tout comme l'auteur du Livre des Jubilés17, n'est pas le seul à obstinément retomber sur celui qui est présenté comme l'inventeur du calendrier. Mais au siècle des Lumières, l'écriture cunéiforme sumérienne n'avait pas encore été déchiffrée. Or voici justement un commentaire universitaire sur la Sagesse d'Adapa, une tablette qui montre à quel point le philosophe fut proche de la source sumérienne :


« Selon les textes assyriens qui parlent de la Sagesse d'Adapa, celui-ci a rédigé un livre de sciences intitulé U.SAR d ANUM d ENLILA, c'est-à-dire les '' Les écrits concernant le Temps, du divin Anu et de la divine Enlil''. Adapa est donc crédité d'avoir écrit le premier calendrier et le premier livre d'astronomie de l'Humanité ».


Une autre légende, persistante, dit qu'Enoch a personnellement gravé son Livre sur deux piliers afin que son texte soit gardé à jamais sur Terre, malgré les eaux. Après le Déluge, ces piliers ont été retrouvés par des sujets du roi Salomon et ce dernier, fasciné, les a intégrés dans son temple, d'où l'expression couramment utilisée aujourd'hui « les colonnes du Temple ». Mais voici une autre piste encore plus étonnante, et qui confirme à nouveau la remarquable analyse de Voltaire : cette relation avec le pilier, on la retrouve effectivement en Egypte, bien après le Déluge, dans la figure de Thot :


« Lorsque le pays a été divisé en différentes propriétés ou provinces, Thoth, le Pilier au coin du pays, est devenu un dieu important  propriétaire était gravé dessus, il était le dieu des Lettres et de tout le Savoir.

Il avait la tête d'un ibis, parce que les ibis se perchent toujours au sommet.

Il est souvent représenté en train d'écrire ou bien de compter en entaillant les années au dos d'une feuille de palmier.

Cette branche de palmier est le caractère hiéroglyphique pour le mot « année ». Thoth a été appelé ''Hermès'' par les Grecs, un nom qui a la même signification : un pilier.

D'ailleurs, à l'époque, les livres sacrés des prêtres étaient tous supposés avoir été écrits par Thoth18».


Les égyptologues du Collège de France continuent ainsi :


« La bibliothèque d'Hermopolis, sa capitale [ de Thot ], était célèbre, et l'on évoquait volontiers ses cryptes secrètes où se trouvaient déposés les rouleaux sacro-saints écrits de la main même du dieu : le conte démotique de Satni rapporte la quête du livre divin de Thot, qui devait permettre d'enchanter le ciel, la terre, les eaux, et le monde inférieur19».


Et on ne peut s'empêcher de remarquer l'incroyable point commun20 entre le Livre d'Enoch et le Rouleau de Thot : les deux promettent l'immortalité à celui qui le lit !


Il s'agit d'ailleurs des deux seuls cas connus dans l'histoire de la littérature, qu'elle soit « sacrée » ou « générale ». Qu'on le veuille ou non, un texte qui promet l'immortalité à sa simple lecture représente ce que l'on appelle un livre sacré, voire magique.

Et on comprend dès lors pourquoi le Livre d'Enoch passionne autant de gens depuis sa redécouverte au milieu du XXe siècle.


~ 4 ~


S.A.S.

le Prince Enoch de Sippar



La reconnaissance du Livre d'Enoch a emprunté des cheminements parfois bien étranges. Jusqu'au IIIe siècle, il a appartenu au canon biblique de l'Ancien Testament et d'innombrables textes et commentaires de l'époque s'y référaient, comme le signale l'Institut des Etudes Slaves dans sa présentation du texte d'André Vaillant :


« La masse innombrable des morceaux de rouleaux de peau, les restes de la bibliothèque centrale du monastère de Hirbet Qmrân attestent que vers la fin du Ier siècle avant notre ère, sinon plus tôt, existait en araméen un Pentateuque énochique bien constitué. L'apôtre Saint Jude s'y réfère dans son épître, les premiers missionnaires judéo-chrétiens l'utilisent dans leur prédication ».


Puis un italien, Filastrius de Brescia ( agacé par ces histoires d'Anges ) ne comprenant pas que plus que 80 passages des Evangiles puissent s'y trouver, a décidé de le retirer du canon biblique en même temps que le Livre de Tobie ( celui où apparaît l'Archange Raphaël ). Pour Filastrius, il était clair qu'il ne s'agissait là que d'un faux. D'un seul trait de plume, des centaines de millions de lecteurs ont été privés de deux livres saints, dont un particulièrement instructif.


Parallèlement au déchiffrage des fragments de Qmrân, l'identité d'Enoch, celui dont la Bible dit qu'il « marcha avec Dieu  a pu être établie. Tous les éléments contenus dans le million de tablettes cunéiformes retrouvées depuis plus de 150 ans ont permis de remonter à son altesse Enmeduranki, prince de Sippar, et serviteur du dieu solaire Shamash. Même son Appkalû22 ou « Homme-Poisson » est connu : il s'agit de l'esprit nommé Utu'abzu, qui régnait également sur la ville de Sippar23. Pour les Sumériens, les Appkalu, à l'apparence mi-humaine, mi-poisson, sont des personnages ailés sortis des eaux pour leur apprendre les secrets de l'agriculture et de la métallurgie (suite dans le livre)


~ 6 ~


Un Ancien Testament

à quatre mains


Depuis que le christianisme a conquis le monde occidental, les prêtres n'ont eu qu'une seule idée, inculquer à chaque cerveau que l'Ancient Testament venait directement de la main de Dieu. Du côté juif en revanche, on apprenait que l'auteur des cinq premiers livres24 était tout simplement Moïse en personne. Curieusement, pendant 1800 ans, personne n'a osé remettre publiquement ces deux idées en doute. Mais au cours des trente dernières années, les linguistes ont enfin pu se pencher en toute liberté sur les textes de l'Ancien Testament et les conclusions de leurs travaux sont franchement surprenantes.

Oui, certains livres de l'Ancien Testament ne sont que des adaptations juives des « best-sellers » sumériens.

Oui, il y a bien eu quatre auteurs différents.

Et oui, une cinquième personne a découpé leurs textes en tranches pour en confectionner un nouveau, plus fédérateur. Mais comment ces linguistes ont-ils réussi cette analyse ADN littéraire ?


« Imaginez par exemple », explique le Dr. Richard Friedman, professeur d'hébreu et de littérature comparée hébraïque à l'Université de California à San Diego « qu'on ait demandé à quatre personnes différentes d'écrire un livre sur le même sujet, puis de prendre ces quatre différentes versions et de les découper afin de les assembler en une seule et longue version, puis de dire qu'elle a été écrite par un seul auteur. Puis imaginez que vous donnez ce livre à une équipe de détectives et que vous les laisser établir :


1 ) que ce livre n'a pas été écrit par une seule personne 

2 ) que c'était par quatre 

3 ) qui elles étaient 

4 ) et qui a rassemblé leurs textes25».


Ainsi, il est aujourd'hui clairement démontré que l'auteur 1, identifié par la lettre E ( parce qu'il utilisait toujours le terme Elohim pour désigner Dieu ), appartenait à la tribu d'Israël  lettre J, provenait de la tribu de Juda  prêtre et que D n'a travaillé que sur le Deutéronome. J a vécu entre -848 et -722 et E entre -922 et -722. Ce qui met la rédaction des cinq premiers livres de la Bible à au moins 922 av. JC. J et E sont les plus vieux, P est le plus jeune.

Un exemple parmi des milliers du professeur Friedman : « La première version de la Genèse cite Dieu 35 fois. La seconde 11 fois. L'auteur 1 appelait le Créateur '' Dieu''. Le second l'appelait '' Yahweh ''. Et cela continue ainsi dans les autres livres ». Ce qui explique les contradictions : « Sur les différences constatées, le fédérateur a mélangé les textes provenant de ces deux auteurs mais pour lesquels Dieu n'a pas crée les choses dans le même ordre » :

Genèse 1


Genèse 2

Plantes


L'homme

Animaux


Plantes

L'homme et la femme


Animaux



La femme

Avec le travail de Friedman et de tous ses prédécesseurs comme Voltaire, Spinoza ou Johan Gottfired Eichhorn, toutes les contradictions littéraires de l'Ancien Testament s'éclairent d'un seul coup. Et, ça tombe très bien, là ou la fusion des deux textes est la plus flagrante, c'est dans l'Arche de Noé, mélange des textes de J et de P. Le professeur Friedmann montre d'ailleurs très bien à quel point les textes, tout comme les deux auteurs, sont différents :

« Les deux versions ne diffèrent pas seulement dans la terminologie [ Dieu / Yahweh, etc. ]. Ils différent aussi dans les détails. P donne 1 paire de chaque race d'animaux. J donne 7 paires de chaque race d'animaux propres au sacrifice, et 1 paire pour les animaux impurs [ l'agneau est propre, le lion impropre ].

P dit que le Déluge a duré 360 jours. J dit que ce fut 40 jours et 40 nuits.

P dit que Noé a envoyé un corbeau. J dit que c'est une colombe.

P est manifestement concerné par les âges, les dates et les mesures en cubits. J pas du tout. ( ... )

J décrit un Dieu capable de regretter ce qu'Il a fait (6:6,7 )(...) ce qui n'est pas le cas chez P.

Les deux histoires du Déluge sont séparables et complètes. Chacune a son propre langage. Et J est logique avec tous les autres passages de J. Celui de P l'est avec tous les autres passages de P, etc. ».


Maintenant, examinons pour le principe les emprunts à la lamentation de la déesse sumérienne Inana, vue précédemment à propos du Déluge (suite dans le livre)

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Table des matières du Livre


12 Tableau des manuscrits slavoniques.


13 L'incroyable réputation du Livre d'Enoch.


17 Les Ailes du Désir.


21 L'intuition de Voltaire.


27 S.A.S. Enoch de Sippar.


37 Le Déluge du Prophète disparu.


53 Un Ancien Testament à quatre mains.


57 La Version Slavonique.


91 Chronologie du Livre d'Enoch.


95 Nouvelle Bibliographie consolidée.


103 Du Livre Secret sur le ravissement d'Enoch le juste


105 La version linéaire d'André Vaillant.


138 Le Slavon


139 La version originale bilingue d'André Vaillant


141 Avant-Propos d'André Vaillant


143 Introduction d'André Vaillant


165 Le Livre des Secrets d'Enoch Bilingue


287 Lexique des mots slaves d'André Vaillant.


288 Index des noms propres d'André Vaillant.


291 Tables des matières d'André Vaillant.

1Page 93, « Enoch, Diaolgues avec Dieu et les Anges » tome 1 de ce livre.

2Page 81, Ibid.

3Page 89, Ibid.

4Page 83, Ibid.

5Page 89, Ibid.

6Page 90, Ibid.

7Page 92, Ibid.

8 Baraka vient de l'un des Anges descendus sur Terre et qui s'appelle Barakiel. Il est l'Ange des jeux de hasard. Voir le Dictionnaire des Anges de Gustav Davidson.

9Si je crois en Dieu et qu'Il n'existe pas, je n'aurai rien perdu. Mais s'Il existe, j'aurai tout gagné.

10The Wars of Gods and Men, Sitchin, Avon Books, New York, 1985.

11Bible de Darby.

12Page 46, « La Bible », Ed. Bayard, 2001.

13Selon le Dictionnaire des Anges de Gustav Davidson, « Helel était dans la mythologie cananéenne un Ange déchu et chef des Nefilim ». Ed. Jardin des Livres.

14Mai 68 a commencé parce que les étudiants ont exigé le droit de se rendre librement dans les chambres des filles, même après 19 heures. Mais le recteur de Nanterre s'y est formellement opposé par sa circulaire. Et la première grève a commencé, menée par Dany le Rouge ( Daniel Cohn-Bendit ), sorte de Shemiyaza contemporain... Amusant parallèle.

15Voir la table de correspondance avec le Nouveau Testament dans « Enoch, Diaolgues avec Dieu et les Anges ».

16« Dictionnaire Philosophique », ch. Elie & Enoch.

17Texte retrouvé dans les grottes de Qmrân. C'est un panorama de l'histoire du Monde tel qu'il aurait été révélé à Moïse sur le mont Sinaï.

18Lire à ce sujet le roman remarquable de Pauline Gedge, Le Tombeau de Saqqarah, disponible en Livre de Poche (Paris, 1997) qui met en scène un noble égyptien décidé à trouver le rouleau de l'immortalité et où Thoth occupe la place centrale.

19Dictionnaire de la civilisation égyptienne, page 286, collectif du Collège de France, Ed. Hazan, 1992.

20Il en existe bien d'autres, comme par exemple la visite des lieux ou se trouvent les démons, etc.

21Genèse, 5,24.

22Appkalu, c'est-à-dire « Esprit Tutélaire » ou « Ange gardien ». Voir illustration en début de ce livre.

23Sippar se trouve aujourd'hui à 30 km au sud-ouest de Bagdad et son nom irakien est Abu Habbah. C'est là que la tablette dite « de Shamash » à été retrouvée en 1880 .

24D'où le terme un peu barbare grec de Pentateuque, « cinq rouleaux » ( ou Torah, « instruction », pour les hébreux ) qui comprend la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome.

25Sorti en 1998 aux USA, son livre a été publié chez Exergue en français.

9 Dossier Historique


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