Mohammed Ben Salmane: du Pétrole et du Sang
HRM-BUMBS
24 €


Bradley Hope - Justin Scheck

grands reporters Wall Street Journal


Mohammed Ben Salmane:


du Pétrole et du Sang


_ Critiques Presse _


Ce livre est vivant (…) et dresse un portrait précis de l'homme ... Hope et Scheck ont beaucoup cherché et ont découvert des histoires époustouflantes. The New York Times


Un tourneur de pages… un livre regorgeant de détails révélateurs... Du Pétrole et du Sang est particulièrement bon sur le lien entre le fonds souverain saoudien et Masayoshi Son de SoftBank... Et il y a beaucoup plus dans ce livre magnifique de Hope et Scheck. Financial Times

Explosif. The Times

Excellent. Forbes

Du Pétrole et du Sang est le meilleur livre lu sur le Moyen-Orient. Il vous emmène en profondeur dans l'endroit le plus opaque de la planète, et sans aucune fausse note, nulle part. Sans parler du livre est un tourne-page merveilleusement lisible, et indispensable si vous voulez avoir un aperçu de l'avenir de l'Arabie Saoudite et du monde. Robert Baer, ex chef de station de la CIA au Moyen-Orient

Un nouveau livre captivant... Bradley Hope et Justin Scheck... livrent un portrait saisissant de la trahison et des prises de pouvoir à la cour royale saoudienne, et tentent de découvrir ce qui motive certaines des décisions souvent imprudentes du jeune prince. NPR.org

Hope et Scheck nous confrontent à l'énigme d'un jeune homme qui fait du bien ... décrivant avec brio comment l'énigmatique prince héritier fait progresser l'Arabie comme nous la verrions en Occident - tout en opérant avec cruauté et absolutisme qui retournent l'estomac. Du Pétrole et du Sang est une lecture fascinante. Nous sommes mis au défi et captivés à chaque page. Robert Lacey, auteur de The Crown et Inside the Kingdom

Si vous pensiez connaître l'Arabie Saoudite, comme n'importe quel étranger pourrait le faire, vous ne le saviez pas - et pour autant que vous compreniez le Royaume et sa politique, vous ne le savez pas... Du Pétrole et du Sang est une lecture narrative fantastique dans les changements radicaux que Mohammed ben Salman a pris en Arabie Saoudite. C'est exceptionnellement bien écrit, une lecture convaincante... Du Pétrole et du Sang est un excellent ajout à l'écriture contemporaine sur l'Arabie Saoudite. Joshua C. Huminski, Le Courrier Diplomatique

Un regard fascinant sur la façon dont le prince MBS est arrivé au pouvoir, et que beaucoup n'ont pas vu venir. Yahoo Finance

Pour une fois, le battage médiatique de l'éditeur est vrai. Du Pétrole et du Sang est … une descente dans un nid de vipères, avec un profil effrayant du prince héritier saoudien. The Irish Times

Dans Du Pétrole et du Sang, Bradley Hope et Justin Scheck se sont donné beaucoup de mal pour lever le voile sur le personnage d'un jeune homme qui secoue le pays, et bien au-delà. Le résultat est un ‘'page-turner'' captivant. Reuters

Un livre enflammé avec des révélations inédites sur le dirigeant de facto de l'Arabie Saoudite. Albawaba

Un livre captivant sur le ventre de la finance mondiale. Corporate Compliance Insights

Ce livre révèle quelques incidents de corruption à couper le souffle. InsideOver

Un superbe portrait. Coda

Un ajout important au portrait alarmant de cet homme instable et meurtrier de 35 ans qui dirige le royaume producteur de pétrole. Mondoweiss

Du Pétrole et du Sang est un aperçu fascinant de la politique du pétrole et comment une richesse stupéfiante et une ambition incontrôlée ont créé ce que la plupart considéreraient comme un véritable monstre... Du Pétrole et du Sang se litcomme un thriller à suspense avec la grandeur d'une pièce de Shakespeare. Un livre important. The Premise Pod
C'est un travail courageux, rigoureux et louable. MoneyControl

Du Pétrole et du Sang est l'histoire fascinante et très divertissante de l'accession au pouvoir de Mohammed ben Salman. Avec des reportages éphémères et des intrigues de palais dignes de Machiavel, il vous fera tourner les pages rapidement jusqu'à son dénouement tragique. Et plus important encore, cela vous laissera une compréhension profonde et nuancée de la pensée du prince héritier et de ses implications pour l'Arabie Saoudite et l'ensemble du Moyen-Orient. John Carreyrou, auteur de Bad Blood

C'est aussi proche de la vérité, de la véritable histoire de la corruption, des vulgarités, des horreurs et des mensonges du Royaume et de son despote actuel que nous pouvons l'obtenir. Cela peut également être lu comme une histoire shakespearienne de cupidité totale. Seymour Hersh, auteur de Chain of Command

Du Pétrole et du Sang est un livre révélateur qui résonne avec une qualité plus étrange que la fiction car l'analyse des auteurs de la brutalité, de l'extravagance et de la mentalité du réformateur du prince héritier est aussi fascinante que profonde. Bryan Burrough, auteur de Public Ennemies et co-auteur de Barbarians at the Gate

Bradley Hope et Justin Scheck racontent l'histoire vraiment incroyable de l'ascension de MBS de manière profonde et multidimensionnelle que seuls les journalistes expérimentés du Wall Street Journal peuvent faire. Cela se lit comme un roman, mais nous éclaire aussi sur une vraie personnalité qui va façonner notre monde. Bethany McLean, auteur de Saudi America et The Smartest Guys in the Room

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24 €


Mohammed Ben Salmane: du Pétrole et du Sang

_ Avant-Propos _


Si nous avons entrepris ce projet, c'est parce que Mohammed ben Salmane compte parmi les nouvelles personnalités politiques et économiques les plus influentes du monde, mais il reste une énigme pour tous ceux qui sont affectés par les décisions de grande ampleur qu'il prend tous les deux mois.

Qu'il s'agisse des pays du Moyen-Orient forcés de s'adapter à la brutalité de son pouvoir, des entreprises technologiques qui se développent grâce aux milliards de dollars qu'il investit, des familles des dissidents et des opposants au régime, dont la vie se trouve bouleversée, et de toutes les victimes de sa décision d'utiliser le pétrole comme arme économique au début de l'année 2020, personne ne peut réellement cerner ses motivations ni les raisons de son ascension si fulgurante.

En tant que journalistes d'investigation, nous nous intéressons surtout à la question de l'argent – comment il est dépensé, où il circule et à quoi il sert. Nous nous sommes donc lancés dans ce projet avec l'intention de nous départir de toutes nos connaissances préalables de l'Arabie saoudite et de Mohammed afin de faire table rase et suivre l'argent. À mesure que nous avancions dans notre enquête, nous nous félicitions d'avoir entamé ce travail. Beaucoup de choses que nous pensions savoir à son sujet n'étaient que des caricatures de la vérité. Cette distorsion avait pour but de forcer certains traits de sa personnalité de manière à le présenter comme un être dérangé, héroïque ou hors de contrôle. Bien sûr, il s'agit là d'un aspect inhérent à la narration du parcours d'un nouveau dirigeant ayant imposé une transformation radicale à un pays qui n'avait pas connu de changements notables depuis des décennies, mais ce qui est ainsi sacrifié, c'est une connaissance plus approfondie du personnage central. Sans une meilleure compréhension de sa personnalité, de sa famille, de ses motivations, de ses stratagèmes et des détails de tous les combats qu'il a menés pour se hisser au sommet, il manquera aux simples observateurs les clés nécessaires pour se forger une opinion.

Sans vouloir justifier, excuser ou louer les décisions et les actions de MBS au cours de ces cinq dernières années, voici le meilleur compte-rendu que nous puissions livrer de son avènement sur la base de nos reportages, à commencer par notre travail au Wall Street Journal en 2017, lorsque nous avons couvert, depuis Londres, les différentes facettes de ses projets de réforme économique et effectué des voyages en Arabie saoudite à des fins journalistiques. Enquêter sur Mohammed ben Salmane est une tâche ardue. Cela peut paraître contre-intuitif, mais notre situation géographique, que ce soit à Londres ou à New York, nous a été d'un grand secours pour recueillir des informations. Peu de personnalités puissantes résidant dans les pays du Golfe Persique se sentent à l'aise pour parler ouvertement du prince héritier chez elles, de peur d'être surveillées électroniquement (une hypothèse probable) ou simplement observées en compagnie d'individus suspects tels que nous. Ces mêmes personnes qui se rendent à Londres, à Paris ou à Manhattan se sentent délestées d'un poids énorme et les langues se délient un peu plus facilement.

Une autre raison pour laquelle notre présence dans ces deux capitales mondiales présente un avantage, c'est que l'histoire de Mohammed ben Salmane, depuis ses premiers jours à la Cour royale, est liée aux affaires et à la finance. Peu de dirigeants mondiaux sont aussi captivés par les questions d'affaires mondiales que lui et engagés à leur égard. La famille Al Saoud règne sans partage sur l'Arabie saoudite, ce qui suppose une gouvernance quotidienne analogue à celle d'un bureau d'investissement familial. De plus, dès son plus jeune âge, Mohammed était fasciné par les histoires d'entrepreneurs, de grands magnats et d'hommes politiques célèbres. Pour le comprendre, il est impératif de garder à l'esprit qu'il est non seulement le dirigeant du royaume au quotidien, mais aussi le PDG d'Al Saud Inc.

Ce livre est le produit de plusieurs années de travail, surtout les reportages réalisés en 2019, lorsque nous nous sommes attachés à interviewer tous ceux qui avaient côtoyé Mohammed au fil des ans, voyageant de pays en pays, déterrant de vieux documents financiers et des dossiers gouvernementaux confidentiels attestant de la croissance de ses empires personnel et politique, et consultant tout les écrits que nous avons pu dénicher sur ce prince et l'Arabie saoudite.

La plupart de nos sources nous ont parlé «en coulisses» afin de préserver leur anonymat. Aussi avons-nous fait preuve de la plus grande diligence pour trouver plusieurs sources ayant vécu les mêmes événements afin de nous assurer de leur sincérité. Chaque anecdote est basée sur les souvenirs de plusieurs personnes et, aussi souvent que possible, étayée par des courriels, des documents juridiques, des photographies, des vidéos et d'autres types d'archives. Les citations et les conversations restituées dans cet ouvrage sont reconstituées à partir des notes des participants, de leurs souvenirs, de leurs enregistrements ainsi que d'autres éléments de preuve. Nous avons également exploité des bases de données publiques qui recèlent des indices sur les réseaux d'affaires personnels de Mohammed.

Nous espérons que ce livre apportera un nouvel éclairage sur l'un des plus ambitieux jeunes dirigeants du monde, appelé à jouer un rôle de premier plan dans les décennies à venir.

_ Prologue _
L'appel reçu juste avant 4h du matin était pressant et déconcertant. Le roi voulait voir son neveu, le prince Al-Walid ben Talal Al Saoud, le plus rapidement possible. «Venez tout de suite», a dit l'émissaire de la Cour royale.

Pendant des dizaines d'années, Al-Walid avait été l'homme d'affaires saoudien le plus connu au monde. Il était le genre de personne que les gens voulaient côtoyer, ne serait-ce que pour entrevoir à quoi pouvait ressembler une vie alimentée par une réserve inépuisable d'argent. Avec une fortune personnelle estimée à 18 milliards de dollars, il était, aux yeux de nombreux Américains et Européens, le Saoudien par excellence: fabuleusement riche, débonnaire et excessif à outrance. Il possédait une flotte d'avions, dont un 747 avec, en son centre, un fauteuil en forme de trône, et un yacht d'une valeur de 90 millions de dollars pouvant accueillir confortablement 22 invités et, pour s'occuper d'eux, 30 membres d'équipage. Lorsqu'un article lui plaisait – même s'il devait s'agir d'un appareil de sport encombrant et dispendieux, il l'achetait en 10 ou 20 exemplaires. Un pour chaque maison, pied-à-terre, camp dans le désert et yacht.

Al-Walid se délectait de cette image et de ses représentations; il exhibait aux visiteurs de ses bureaux de Riyad, de Paris et de New York d'épaisses piles de magazines affichant son visage en couverture ou proposant de longues interviews sur sa carrière professionnelle. Certaines pièces de ses résidences offraient au regard des visiteurs plus d'une dizaine de ses portraits, photos ou peintures à différents stades de sa vie. Il aimait boire son thé dans une tasse à son effigie.

Le prince était incontournable dans le monde américain des affaires; il détenait des participations dans Citibank, Apple et Twitter. Dans le cadre d'un partenariat avec Bill Gates, la Kingdom Holding Company d'Al-Walid possédait une partie de la chaîne hôtelière Four Seasons, réputée pour ses chambres de luxe. En voyage, il était accompagné d'une équipe de 20 personnes, dont des cuisiniers, des agents de propreté, des majordomes et des conseillers d'affaires.

Pourtant, par cette fraîche nuit de novembre 2017, le voilà qui ressentait un frisson lui parcourir l'échine pendant qu'il s'habillait, dans sa résidence retirée dans le désert, pour son entrevue avec le roi. L'Arabie saoudite était le théâtre de profonds changements, parfois manifestes, comme le retrait de la police religieuse des rues et l'autorisation de la musique dans les cafés après des décennies d'interdiction de tout ce qui risquait d'éveiller les sens. Le pays était depuis si longtemps un refuge de cette interprétation ultraconservatrice de l'islam, appelée le wahhabisme par ses détracteurs, que les citoyens saoudiens étaient presque étourdis par le rythme effréné des réformes: les salles de cinéma s'agrandissaient, les femmes se promenaient avec plus de liberté que jamais et il était question de renoncer au pétrole pour de bon.

Les riches et puissants du pays avaient entendu le bruit d'une fissure. Les fondations mêmes de leurs palais ornés semblaient vaciller. Peu importait qu'Al-Walid appelât des chefs d'État et les personnes les plus riches du monde ses amis. Son immunité de prince milliardaire se désagrégeait. Après plus de deux ans de règne de son oncle, le roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, Al-Walid avait déjà eu vent des convocations nocturnes de membres de la famille royale ou de leur rapatriement forcé par avion en vue de leur détention en Arabie saoudite. L'homme à l'origine de ces arrestations n'était autre que le fils du roi Salmane, le jeune cousin d'Al-Walid, Mohammed ben Salmane Al Saoud, qui, à seulement 32 ans, était réputé pour son fort caractère et sa capacité à imposer des changements violents.

Mohammed avait pris le contrepied de ses oncles, ces anciens rois qui tiraient leur pouvoir d'un consensus royal et tendaient vers un conservatisme extrême par crainte de mettre la dynastie en péril. Au moment de leur arrivée au pouvoir, ils étaient devenus des vieillards desséchés, dépourvus du courage et de l'énergie nécessaires à l'impulsion de grands changements. En revanche, Mohammed était jeune et vigoureux. Il mesurait plus d'1m80; parmi ses traits distinctifs, un grand sourire qui lui faisait plisser les yeux, un nez proéminent et une approche intuitive de la conversation pouvant être à la fois affectueuse et menaçante. Il débordait d'énergie, adressant des questions et des ordres à ses subordonnés à toute heure du jour et de la nuit. En peu de temps, Mohammed avait déclaré la guerre au Yémen, imposé un boycott à un pays voisin et concentré plus de pouvoir que tous les membres de la famille royale depuis la fondation du royaume.

Al-Walid se rassurait: les princes détenus étaient des membres marginaux de la famille et souvent des dissidents politiques, qui semaient le trouble chez les Al Saoud depuis leurs résidences en France ou au Royaume-Uni. Quelques mois plus tôt, il avait confié à un visiteur son admiration pour le programme de Mohammed et son enthousiasme à l'idée de voir l'Arabie saoudite passer enfin du statut de bastion illibéral de la souche la plus conservatrice de l'islam à celui de puissance arabe moderne, bénéficiant d'une économie diversifiée et de droits plus égaux pour les hommes et les femmes. En matière de réforme financière, Mohammed avait même adopté quelques-unes des idées les plus radicales d'Al-Walid.

«C'est le changement que j'ai attendu toute ma vie», avait déclaré Al-Walid à Robert Jordan, ancien ambassadeur américain en Arabie saoudite, en avril 2017. Des PDG, des banquiers et des dirigeants politiques du monde entier lui avaient rendu visite dans la retraite où il séjournait, un site désertique à l'extérieur de Riyad occupé par de grandes tentes où ses invités recréaient une version idéalisée du mode de vie bédouin perpétué par ses ancêtres jusqu'au milieu du XXe siècle.

Qui plus est, Al-Walid était très généreux. Ses invités s'asseyaient autour de festins dignes d'un petit village, composés d'agneau rôti, de monticules de riz et d'un assortiment de jus de fruits. Al-Walid, obsédé par sa santé et suivi à plein temps par des médecins, prenait des repas végétaliens spécialement préparés pour lui. Lorsque ses convives avaient consommé leur part de nourriture, Al-Walid invitait les habitants pauvres de la région à venir pour finir les plats.

Il emmenait ensuite ses invités se promener dans les dunes et observer les étoiles autour d'un feu. Le cadre n'avait pourtant rien de rustique. Lorsque le prince et son groupe se retiraient dans les tentes, ils y trouvaient des télévisions à écran plat et des caravanes dotées de salles de bains rutilantes et de douches thermales.

Peu après l'appel, Al-Walid a quitté le campement du désert dans sa propre voiture pour rentrer à Riyad. Arrivé à la cour royale plus d'une heure plus tard, un assistant du roi est sorti lui expliquer que la réunion se déroulerait à proximité, à l'hôtel Ritz-Carlton. On l'a guidé vers une nouvelle voiture qui faisait partie d'un grand convoi. «Mon téléphone, mon sac», a dit Al-Walid, de plus en plus inquiet. «Ils sont dans la voiture.»

«Oui, nous vous les apporterons», lui a-t-on répondu. Coupé du monde, Al-Walid s'angoissait. Ses gardes, son assistant et son chauffeur ont été installés dans des voitures séparées. Le trajet n'a pris que quelques minutes et s'est conclu par une lente remontée de la grande allée de 400 mètres qui sépare le portail de sécurité de l'hôtel.

Il racontera plus tard à ses amis qu'en entrant dans le hall, entouré du personnel de sécurité de la Cour royale, il a eu l'étrange impression que l'hôtel était vide. Les hommes de la Cour royale l'ont conduit à un ascenseur, puis dans une suite où ils lui ont demandé d'attendre. Inquiet et un peu ennuyé, il a allumé la télévision. Les nouvelles annonçaient que des dizaines d'hommes d'affaires, de membres de la famille royale et de fonctionnaires avaient été arrêtés pour suspicion de corruption. Il était le premier arrivé. Le Ritz n'était plus un hôtel mais une prison de fortune.

Les rénovations avaient été ordonnées quelques heures plus tôt seulement. Tard, le vendredi 3 novembre 2017, une équipe d'ingénieurs du Ritz-Carlton s'était déployée dans les 9 étages de l'hôtel et s'était mise à percer les serrures de 200 portes de chambres de l'hôtel. On avait enlevé les rideaux et démonté les portes de douche. Plusieurs grandes suites ordinairement réservées aux PDG en visite ou aux princes de la jet-set avaient été transformées en salles d'interrogatoire.

Le Ritz-Carlton, conçu à l'origine pour accueillir les dignitaires en visite, possède une allée bordée de palmiers qui offre aux premiers ministres et aux présidents en visite la vue magnifique de sa façade palatiale au moment de leur arrivée en cortège. Le terrain, qui appartient à la Cour royale située à proximité, s'étend sur 52 hectares de douce opulence, avec des pelouses entretenues et une cour ombragée par des oliviers vieux de 600 ans importés du Liban. En visitant le hall d'entrée orné de marbre, les visiteurs sont reçus avec un grand étalage de fleurs, des sculptures spectaculaires d'étalons et la légère odeur d'encens oud brûlant sur les tables où certains Saoudiens parfument leurs couvre-chefs, appelés shemaghs. Le président Barack Obama a séjourné sur les lieux en 2014 et le président Donald Trump a logé non loin de là, pendant deux jours lors d'une visite clinquante suivant son investiture.

Arrivée cette nuit-là, une équipe d'agents de renseignement et de membres de la Cour royale s'est dirigée d'un pas vif vers l'intérieur et a investi l'hôtel. Les gardes se sont répartis à chaque étage et ont surveillé les sorties. Le personnel de l'hôtel a reçu l'ordre d'expulser toute personne se trouvant encore dans le bâtiment et d'annuler les réservations à venir.

«En raison d'une réservation imprévue par les autorités locales qui nécessite un niveau de sécurité élevé, nous ne pouvons accueillir de clients jusqu'au rétablissement des opérations normales», a déclaré un concierge, en lisant un script, à un homme d'affaires dont la réservation était prévue quelques jours plus tard. À l'aube, les invités spéciaux commençaient à arriver.

Pendant les premières nuits, de nombreux détenus devaient rester dans une pièce fonctionnelle avec des pauses pour aller aux toilettes, toujours accompagnés d'une escorte armée. Certains d'entre eux avaient, dissimulés dans les plis de leurs robes, des téléphones portables de secours, car leurs gardiens avaient interrompu leur fouille après avoir confisqué un téléphone à chaque homme. Des photos clandestines prises cette nuit-là montrent des hommes résignés, allongés sur de minces matelas, enveloppés de couvertures colorées bon marché. Toutefois, ces images ne montrent pas clairement qu'il s'agit des hommes les plus puissants du monde arabe: héritiers potentiels du trône, magnats milliardaires, ministres et une dizaine de princes. Certains détenaient des secrets qu'il fallait percer. Presque tous possédaient des richesses inimaginables, lesquelles étaient, selon les nouveaux pouvoirs en place, le fruit de plusieurs décennies de corruption.

La liste était quasi infinie et comprenait même Miteb ben Abdallah Al Saoud, fils de l'ancien roi et puissant chef de la Garde nationale saoudienne – une branche spéciale des forces armées conçue pour protéger la famille royale de toute menace, avec 125.000 hommes stationnés dans tout le pays. L'un de ses rôles consistait à déjouer les coups d'État militaires. À présent, son chef, autrefois considéré comme un héritier potentiel du trône, était retenu contre son gré.

Les tout premiers jours, plus de 50 personnes ont été arrêtées. Au bout de quelques semaines, plus de 300 autres seront «enregistrés» au Ritz et dans d'autres lieux sécurisés de Riyad.

Ces arrestations étaient l'œuvre d'un comité anti-corruption, jusqu'alors secret, créé par décret du roi. Le procureur général saoudien a annoncé qu'il cherchait à obtenir la restitution de 100 milliards de dollars issus de la corruption et du vol mis en place depuis des dizaines d'années.

Bien que menées au nom du roi Salmane, les arrestations des hommes les plus riches et les plus puissants d'Arabie saoudite avaient été organisées par le sixième fils du roi, Mohammed. Trois ans plus tôt, son nom était inconnu même des observateurs saoudiens les plus avertis. Aujourd'hui, le nouveau prince héritier prenait d'assaut non seulement l'Arabie saoudite mais aussi le monde entier.

Une équipe de tailleurs internes confectionnait des robes blanches identiques pour les prisonniers. Les détenus pouvaient regarder la télévision et passer des appels téléphoniques hebdomadaires sous surveillance. La baignade dans la grande piscine carrelée, sous un dôme orné d'un ciel bleu et de nuages, était autorisée, mais seulement pour deux détenus à la fois. Il était interdit de parler. Les interrogatoires pouvaient commencer à tout moment. À 2h du matin, les prisonniers étaient réveillés en sursaut et on leur signifiait que le moment était venu de parler. Pour nombre d'entre eux, cet isolement et l'humiliation d'être interrogés pendant plusieurs heures par des officiers de la Cour royale étaient un véritable supplice.

Certains de ces hommes avaient le sentiment d'avoir joué un rôle dans la construction du royaume. Outre les magnats de la construction, il y avait le propriétaire d'une agence de voyage, qui avait aidé des milliers d'étudiants saoudiens à poursuivre leurs études aux États-Unis et en Europe, et un ministre qui avait contribué à moderniser les systèmes de santé et financiers du pays. Certes, ils s'étaient enrichis au passage, allant parfois jusqu'à transgresser la lettre de la loi saoudienne. Mais personne ne les avait jamais qualifiés de criminels. En effet, beaucoup de transactions, considérées aujourd'hui par Mohammed comme des méfaits, avaient été approuvées par les adjoints les plus proches du roi précédent, voire par le roi lui-même. Leurs actes étaient alors jugés acceptables, mais les règles avaient changé.

Des rumeurs de violences physiques et de torture ont circulé. Le général de division Ali Al Qahtani, chef de la sécurité de son codétenu Turki ben Abdallah Al Saoud, ancien gouverneur de Riyad et fils de l'ancien roi, a craché sur ses interrogateurs, remettant en cause leur autorité. Les rares détenus à savoir ce qui s'était réellement passé ont fini par mourir en captivité. L'Arabie saoudite a maintes fois démenti les allégations d'abus et de torture des personnes interrogées.

Le plus souvent, les prisonniers ont acquiescé. Privés d'argent et de pouvoir, ils n'étaient plus que des êtres humains confrontés à des menaces physiques qu'ils étaient loin d'imaginer. Pour faire davantage pression sur Al-Walid, Mohammed a jeté son jeune frère, Khaled ben Talal, en prison. Les accusations de corruption n'ont pas été diffusées sur la place publique ni admises par les détenus; les arrangements sont restés privés.

Les arrestations au Ritz étaient d'autant plus choquantes que, quelques jours auparavant, ce même hôtel, ainsi qu'un centre de conférence voisin, avait accueilli les plus grands noms de la finance, de la politique et des affaires internationales pour un événement de trois jours surnommé le «Davos du désert» par ses organisateurs. Cet événement était annoncé comme le dévoilement d'une nouvelle Arabie saoudite, une ouverture de la part d'un pays autrefois isolationniste visant à démontrer son entrée dans le monde des affaires.

Le 30 octobre, dans le grand hall en marbre, le plus grand gestionnaire de capitaux au monde, Steve Schwarzman, fondateur de Blackstone, se tenait dans un coin, tandis que Tony Blair, debout à un autre autre coin de la pièce, exposait les projets de Mohammed devant une foule de banquiers. L'investisseur Tom Barrack, un conseiller clé du président Trump pour le Moyen-Orient et fondateur de Colony Capital, installé avec son entourage, échangeait des cartes de visite avec un flux de visiteurs. Le chef du Trésor de Trump, Steve Mnuchin, dînait avec sa femme au Hong, le restaurant chinois haut de gamme du Ritz-Carlton. Masayoshi Son, fondateur de la société japonaise SoftBank, occupait l'une des suites qui servirait dans quelques jours à la détention d'un prince.

La juxtaposition saisissante entre le «Davos du désert» et la transformation du Ritz en prison – de même que le retournement de fortune de tant d'hommes extraordinairement riches – font de cette répression un événement singulier dans l'histoire récente de la politique et de l'économie. Jamais autant de milliardaires, de titans de la finance, capables de remuer ciel et terre grâce à leur immense fortune, n'avaient aussi abruptement été privés de leur liberté et de leur trésor.

Avec le recul de 2020, et après la libération de la quasi-totalité des détenus et la saisie de dizaines de milliards de dollars en liquidités et en actifs par le gouvernement de Mohammed, il apparaît clairement que ces événements ont révélé la véritable nature de Mohammed ben Salmane.

Plus encore que son programme de réformes et ses plans de transformation économique, les arrestations du Ritz ont mis au jour ce qui était alors largement occulté aux yeux des observateurs, des diplomates et d'une grande partie de sa propre famille: sa nature rusée, son amour du grandiose, son goût du risque et son côté impitoyable. Jusque-là, Mohammed aurait pu être un réformateur progressiste dans la tradition des cinq rois qui ont précédé son père. Chacun d'entre eux possédait son propre style de leadership mais aucun n'aurait envisagé de dynamiter les institutions pour remodeler l'avenir du pays. Le geste agressif du Ritz, que beaucoup d'Occidentaux appelleront le «sheikhdown»2, marque le moment où Mohammed a déposé un tas d'explosifs sous le statu quo et l'a réduit en miettes.

Avant même que l'on ait eu le temps de balayer les débris, il avait pris le contrôle de toutes les branches de l'armée, de la police, des agences de renseignement et de tous les ministères. Sans compter les participations majoritaires qu'il détenait dans les plus grandes entreprises du pays par le biais de holdings gouvernementales. Même s'il n'était pas roi, il comptait parmi les hommes les plus puissants de la planète.

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Le Roi est mort


Décembre 2014-janvier 2015

Tout le monde attendait la mort du roi. Nous sommes en décembre 2014. Abdallah ben Abdelaziz Al Saoud, le sixième membre de la troisième dynastie des Al Saoud qui a régné sur l'Arabie saoudite, s'éteignait dans un lit d'hôpital en plein désert dans la périphérie de Riyad.

Abdallah a toujours aimé le désert. Il s'y rendait pour méditer, à mesure qu'il avançait en âge, pour échapper à la circulation dans la capitale, aux files d'attente de ceux qui lui réclamaient des faveurs ainsi qu'aux interminables déceptions d'un gouvernement brisé qu'il ne parvenait pas à propulser dans la modernité. Dans le désert, les nuits d'hiver sans lune faisaient remonter le souvenir des histoires de son père, le fondateur du royaume, Abdelaziz, qui avait combattu à dos de chameau pour conquérir l'Arabie. Cette époque était plus simple.

La nation saoudienne avait 83 ans – elle était plus jeune que le nonagénaire Abdallah. Pendant la quasi totalité de sa jeunesse, c'était un royaume peu peuplé et peu relié à l'extérieur, si ce n'est les pèlerins qui venaient visiter les villes islamiques saintes de La Mecque et de Médine. Un quart des peuples de la terre se tournent vers la Kaaba, située au cœur de La Mecque, pour prier et aspirent à s'y rendre au moins une fois dans leur vie.

À ses 40 ans, un changement rapide s'est mis en marche. La découverte d'un océan de pétrole sous les sables du désert a permis de transformer des villes aux murs de boue en métropoles modernes abritant des gratte-ciel et des centres commerciaux. Pourtant, l'austérité du courant islamique né dans le pays, appelé wahhabisme d'après l'ecclésiastique Mohammed ben Abdelwahhab, son fondateur au XVIIIe siècle, constituait toujours le pivot de la vie quotidienne. Les criminels étaient décapités sur les places publiques et des officiers désabusés du Comité pour la promotion de la vertu et la prévention du vice, ou ha'ya, arpentaient les rues guettant la moindre infraction, telles que le manquement d'une femme à l'obligation de se couvrir entièrement les cheveux et le corps. Si les infrastructures se sont modernisées dans les décennies qui ont suivi, la société et la politique demeuraient si obstinément conservatrices que de nombreux visiteurs avaient l'impression de remonter le temps.

Parallèlement, dans les années 2000, les Saoudiens comptaient parmi les populations les plus connectées à Internet à travers le monde. Disposant des fonds nécessaires à l'achat de smartphones et manquant de lieux de rencontre, la jeunesse émergente passait plusieurs heures par jour sur Twitter, Facebook et YouTube. Les jeunes connaissaient toutes les facettes de la culture pop occidentale, même s'ils ne pouvaient l'adopter dans leur pays. L'Arabie saoudite avait depuis longtemps interdit les concerts, les cinémas et les rencontres en public entre hommes et femmes célibataires.

Pour Abdallah, qui a accédé au trône en 2005, diriger le royaume était un lourd fardeau, avec un programme quotidien inspiré du Moyen Âge. En effet, les rois saoudiens tiennent leur cour tout en recevant un fleuve de roturiers, de ministres et de conseillers et en posant pour des photos en compagnie des présidents et premiers ministres en visite, installés dans les canapés de leurs palais fastueux et dorés. Les serviteurs du roi, sa famille et ses ministres voient défiler, par dizaines de milliers chaque année, des pétitionnaires souffrant de problèmes de santé, se débattant dans des litiges ou implorant l'allègement de leur dette.

Après une vie de tabagisme, de repas copieux, de problèmes dorsaux, de diabète et de problèmes cardiaques, Abdallah ne pouvait plus passer ses soirées étendu sur des coussins dans les tentes du désert aménagées par ses ouvriers, pourvues d'électricité et de téléviseurs grand écran. Depuis une série d'opérations chirurgicales en 2010, sa santé s'était détériorée et, en novembre 2014, un de ses principaux députés, son neveu le prince Mohammed ben Nayef Al Saoud, avait demandé l'avis d'un ami médecin aux États-Unis: «Quel pronostic pour le cancer du poumon?» Le médecin lui avait alors demandé le degré d'avancement du cancer.

Personne n'en avait encore informé Abdallah, avait précisé le prince, mais le cancer était au stade 4. «Pas plus de trois mois», lui avait répondu le médecin. Moins de huit semaines plus tard, Abdallah était transporté dans un hôpital de fortune monté sur le sable, branché à des moniteurs et à des perfusions intraveineuses, tandis que ses courtisans et plus d'une dizaine de ses fils – bon nombre d'entre eux étaient des hommes d'âge moyen, plus ou moins vénaux – se démenaient pour décider de la suite à donner aux événements.

Ces hommes savaient que la mort d'un roi saoudien marque un important transfert de richesse et de pouvoir. Chaque passation de pouvoir dans l'histoire du pays avait entraîné un bouleversement chez les lignées rivales remontant toutes à Abdelaziz Al Saoud, connu en Occident sous le nom d'Ibn Saoud, le premier roi de ce qui est aujourd'hui l'Arabie saoudite et dont les successeurs étaient tous ses propres fils.

À chaque règne, le roi rend ses fils presque intouchables. Ils reçoivent d'énormes sommes d'argent sans compter les autres avantages qui se chiffrent en milliards de dollars. Ils se voient souvent confier des rôles influents, supervisant des branches du gouvernement ou de l'armée.

Pourtant, Abdallah avait privé ses fils d'une partie du flot habituel de richesses et, pendant longtemps, du pouvoir politique. Le roi avait octroyé à ses enfants des allocations mensuelles, totalisant plusieurs millions de dollars par an, en plus du privilège de disposer de jets privés mais ils n'avaient pas eu accès aux milliards de dollars accordés à certains de leurs cousins. Sentant que sa famille élargie perdait pied, Abdallah avait mis un terme à l'ère des excès effrénés des Al Saoud, à commencer par ses propres enfants.

Les fils d'Abdallah avaient eu en permanence le sentiment de décevoir leur père. Dans les années précédant sa mort, Abdallah a envisagé d'en placer un dans la ligne de succession pour le trône, mais il se retrouvait sur son lit de mort sans savoir si l'un d'entre eux était apte à gouverner. Miteb, qu'Abdallah avait placé à la tête de la Garde nationale, semblait davantage intéressé par ses chevaux de course que par son travail et confiait à des adjoints la majeure partie de la gestion de la Garde nationale. Lorsque Turki ben Abdallah, un ancien pilote de l'armée de l'air, devenu brièvement gouverneur de Riyad, est venu voir son père à l'hôpital à la fin de sa vie, Abdallah s'est adressé énergiquement au personnel médical, composé de médecins et d'infirmières de haut niveau, tous venus des États-Unis et d'Europe. «Voici mon fils, le pilote de F15», leur a-t-il dit, en marquant une pause pour respirer. «Voyez comme il est gros. Pensez-vous qu'il puisse entrer dans un F15?»

Les fils craignaient que la passation de pouvoir de Abdallah à un nouveau roi ne menace leurs ambitions. Ils n'avaient pas encore eu de réelle occasion de s'enrichir, et si le mauvais membre de la famille devenait roi, jamais ils ne le pourraient. Ils savaient bien qu'après une succession en Arabie saoudite, les flux d'argent se déplacent vers la famille du nouveau roi et, le temps passant, les fils du roi précédent – à l'instar des fils de ses prédécesseurs – voient leur pouvoir diminuer et leurs revenus s'amenuiser. À maintes reprises, les fils d'Abdallah avaient assisté à ce genre de situation. Qu'étaient devenus les ben Khalid, les enfants du roi Khalid, qui a régné de 1975 à 1982? On n'en entendait presque plus parler.

La lutte pour le pouvoir entre frères, neveux et cousins est inscrite au cœur même du système de gouvernance instauré par le fondateur du royaume. Les quelque trois dizaines de fils d'Ibn Saoud, issus d'un cortège d'épouses et de concubines, avaient atteint l'âge adulte au fil de plusieurs décennies, formant ainsi une lignée successorale naturelle qui fonctionnait grâce à leur écart d'âge pouvant parfois couvrir plusieurs générations. Le plus âgé d'entre eux était né vers 1900 et le plus jeune vers 1947.

Ibn Saoud est décédé d'une crise cardiaque dans son sommeil en 1953, léguant le trône à son fils aîné, Saoud. Onze ans plus tard, ce roi débauché fut forcé par ses frères à céder le trône à l'un de ses cadets. Depuis lors, la couronne est passée d'un frère à l'autre; les fils d'Ibn Saoud décidant tous ensemble d'un héritier par le choix du frère aîné qu'ils estimaient digne de régner. Les frères connus comme les Sept Sudairi, fils d'Ibn Saoud et de son épouse préférée, Hussa Al Sudairi, étaient particulièrement puissants mais, pendant 60 ans, chacun des fils d'Ibn Saoud espérait devenir roi un jour. C'était le genre de spéculation à laquelle un prince pouvait se livrer avec son entourage pendant les heures passées dans les palais ou sur les yachts.

En 2015, la plupart des fils étaient morts et les rares survivants âgés de plus de 70 ans. Le trône était enfin en passe d'être transmis à la troisième génération. Le problème, c'est qu'il n'existait aucun mécanisme permettant de désigner un roi parmi ces centaines de petits-fils. Certes, l'ancienneté constituait un moyen commode de classer les fils de la première génération, mais choisir parmi les centaines de princes de la génération suivante n'était pas chose aisée.

Abdallah a tenté d'y remédier; après son accession au trône, il a institué un conseil réunissant tous les fils vivants d'Ibn Saoud ainsi que les descendants des défunts. Le Conseil d'allégeance devait élire un prince héritier qui assumerait le trône à la mort du roi et nommer un suppléant qui serait deuxième en ligne. Cet arrangement visait à empêcher des changements brusques de pouvoir. Seulement, à la fin de sa vie, Abdallah et ses fils y ont vu un autre intérêt: ils voulaient restreindre le pouvoir du successeur d'Abdallah, le prince héritier Salmane.

Abdallah et ses fils savaient que Salmane, le plus puissant des sept Sudairis vivants et un habile opérateur de palais, voudrait placer son ambitieux fils, Mohammed, dans la ligne de succession. Car ils pressentaient que ce dernier serait un véritable fiasco pour le clan Abdallah. Pendant des années, il s'était heurté aux frères et à leurs principaux adjoints, et il avait même craché au visage d'un puissant agent du renseignement. Au mieux, un Mohammed puissant empêcherait tout accès du clan Abdallah au pouvoir et à l'argent. Au pire, il les priverait de leurs biens et de leur liberté. Pour mettre Mohammed à l'écart, les fils d'Abdallah se sont tournés vers Khalid Al Tuwaijri, le chef de la cour royale d'Abdallah.

Avec sa moustache droite, sa bague en diamant et ses lunettes sans monture, Tuwaijri était le plus puissant des roturiers d'Arabie saoudite; il était pratiquement né dans le métier. Son père avait combattu aux côtés d'Ibn Saoud pour conquérir certaines contrées d'Arabie saoudite et avait également aidé Abdallah à transformer la Garde nationale du royaume en une force redoutable.

À mesure que le roi Abdallah prenait de l'âge, le pouvoir de Tuwaijri augmentait. Il signait de nouvelles lois au nom du roi et s'incrustait en tant que secrétaire général du Conseil d'allégeance. Hormis les princes, il était le seul autorisé à participer aux réunions secrètes du conseil et le seul à conserver un registre de ses délibérations.

Son rôle principal consistait à contrôler l'accès à Abdallah, ce qui lui était facilité par l'aversion que le roi éprouvait pour les conversations téléphoniques. Il ne pouvait parler confortablement que face à face. Même l'ambassadeur aux États-Unis prenait un vol de Washington DC, à Riyad pour un entretien de deux heures. Que vous soyez un homme d'affaires, un ministre du gouvernement ou même le frère du roi, pour rencontrer Abdallah, il fallait immanquablement passer par Tuwaijri. Les courtisans et les observateurs l'appelaient «le roi Khalid».

Ce pouvoir, sans précédent pour une personne extérieure à la famille royale, a suscité la fureur du prince héritier Salmane et de son fils Mohammed. Tuwaijri savait qu'il subirait le même sort que les fils d'Abdallah – ou pire – si on laissait libre cours au pouvoir de Salmane.

Pour Salmane et Mohammed, Tuwaijri incarnait tous les dysfonctionnements de l'Arabie saoudite. Le fonctionnaire avait acquis des manoirs, des bateaux et quelque 200 voitures de luxe. Il partait en voyage pendant des semaines avec une escorte de 25 personnes au Ritz-Carlton de Central Park South, dépensait des millions de dollars et prenait des photos avec les riverains comme s'il était lui-même un membre de la famille royale. «Je pensais qu'il était une sorte de prince», dit Rahul Bhasin, qui conserve une photo de Tuwaijri au comptoir d'accueil chez Parkview Electronics, son petit magasin d'appareils photo et de téléphones portables au détour du Ritz, où Tuwaijri achetaient des iPhones par dizaines. Rien ne contrariait Salmane davantage qu'un roturier qui se prenait pour un prince.

L'un des principaux alliés de Tuwaijri, Mohammed Al Tobaishi, était le chef en charge du protocole pour Abdallah. Véritable secrétaire personnel glorifié, Tobaishi vivait dans un ranch de 90 pièces à Riyad appelé Samarra, quand il ne se trouvait pas dans une de ses autres résidences de luxe réparties aux quatre coins du monde. Les deux hommes étaient en fait d'influents milliardaires retranchés derrière des titres serviles, des hommes qui touchaient de l'argent en échange d'un accès privilégié à de hauts fonctionnaires (ils n'ont ni avoué de méfaits ni été condamnés pour un quelconque crime, bien que leurs biens aient ensuite été saisis par l'État). Aux yeux de Salmane et de son fils, ils représentaient un risque pour la dynastie et la personnification de la corruption généralisée.

La première expérience de Mohammed ben Salmane auprès de Tuwaijri remonte à ses 20 ans lorsque, à son entrée dans la fonction publique, ce dernier a fait semblant de jouer un rôle d'oncle à son égard. Sauf que Mohammed a découvert son double visage. Tout en faisant semblant de le soutenir, Tuwaijri a pris des mesures pour empêcher l'ascension de Mohammed dans la hiérarchie familiale. «Il m'a tendu des pièges», confiera Mohammed à ses amis, en décrivant comment il s'y prenait à chaque étape. Tuwaijri a tenté de l'évincer du gouvernement ou, à défaut, de le contenter moyennant des pots-de-vin. Mohammed était aussi aigri par la sanction que Tuwaijri lui avait infligée, sur les ordres d'Abdallah quelques années plus tôt, pour avoir dénigré de hauts responsables militaires.

À l'approche de la mort d'Abdallah, c'est Moukrine ben Abdelaziz Al Saoud, le plus jeune des fils vivants d'Ibn Saoud, qui était deuxième dans l'ordre de succession. Tuwaijri, et ses alliés du clan Abdallah, voyaient en lui un rempart contre toute tentative d'élévation du jeune Mohammed. S'ils ne pouvaient déloger Salmane de la ligne de succession, du moins pensaient-il pouvoir garder Mourkine.

De grande taille, âgé de 79 ans et arborant une barbiche teinte en noir, Salmane était le chef de famille et le gardien des secrets d'Al Saoud depuis un demi-siècle. Il se murmurait, parmi les plus jeunes membres de la famille royale, que Salmane avait fait installer des caméras dans les chambres des puissants d'Al Saoud.

Trois générations de princes et leurs parasites ont raconté avoir reçu des gifles de la main parée d'or et d'émeraude de Salmane pour consommation d'alcool, excès de vitesse à la périphérie de la capitale ou élaboration d'un plan de corruption éhonté.

Son tempérament était sujet à controverse à la cour royale. Salmane était souvent calme et réfléchi et aimait citer de la poésie islamique lors de sa partie de cartes nocturne, mais il devenait furieux pour peu qu'il décèle le moindre manque de respect. Au début des années 1990, alors qu'il traversait le palais de son frère, le roi Fahd, à Djeddah, Salmane fut choqué de voir un garde de longue date lui barrer le passage. «Le roi est occupé», lui dit le garde.

Salmane a giflé l'homme si fort que sa bague a volé à travers la pièce. «Je suis le prince! Qui es-tu, toi?» a hurlé Salmane, tandis que de jeunes courtisans et serviteurs rampaient sur le sol à la recherche de l'anneau. Après que Fahd l'eut réprimandé, Salmane a laissé au garde une enveloppe contenant 100 mille riyals – plus de 20.000 $. «Donne ça à l'idiot», a-t-il murmuré en sortant. (Un membre de la famille royale dément cet incident).

Contrairement aux autres fils d'Ibn Saoud, qui se sont forgé des fortunes en usant de leur pouvoir pour soutirer des sommes aux entreprises du royaume, Salmane était moins offensif lorsqu'il était question d'accumuler des richesses.

Il dépensait son budget royal sur ses palais, ses épouses et ses enfants, et son énergie à diriger Riyad, le centre historique du pouvoir. En tant que gouverneur de la province depuis 48 ans, Salmane contrôlait des millions d'hectares de terres dont la valeur n'a cessé de croître au fur et à mesure que Riyad, d'un simple village au début de son règne, se métamorphosait en une métropole moderne de plus de 5 millions d'habitants. Salmane veillait également sur la relation avec les religieux wahhabites dont l'alliance avec les Al Saoud remontait à Wahhab et dont le soutien avait aidé les Al Saoud à s'emparer et à maintenir le pouvoir depuis la fondation du royaume. Salmane accueillait en son palais une diversité de points de vue et encourageait le débat, une pratique que les autres princes ne sauraient consentir.

Son groupe de recherche et de marketing3 possédait deux des plus grands journaux arabes du Moyen-Orient. Loin de se résumer à de simples porte-parole des gouvernements, les journaux suscitaient des opinions variées à travers la région quant aux principaux enjeux de l'époque, notamment la cause palestinienne. Seulement, jamais ils n'osaient remettre en question la monarchie ou critiquer la politique étrangère saoudienne. Salmane conviait des écrivains, des universitaires et des diplomates étrangers à des dîners hebdomadaires. À un correspondant américain, il a déclaré avoir lu tous les romans jamais publiés par des écrivains saoudiens.

La relation de Salmane avec ses fils aînés était froide. Jeune père distant et imposant (Salmane n'avait que 19 ans à la naissance de son fils aîné), il était un disciplinaire rigide qui avait à cœur d'éduquer les jeunes hommes. Il voulait leur apprendre que le monde ne se réduit pas aux deux piliers que sont la richesse pétrolière et le wahhabisme. La vie était riche en poésie, en littérature et en idées; et Salmane, le fils de l'homme qui a conquis l'Arabie saoudite à dos de chameau, voulait que ses propres fils acquièrent des connaissances qui leur seraient précieuses dans leur avenir d'hommes d'État.

Ses vacances fréquentes en Espagne et en France ont attiré des intellectuels et des hommes d'affaires dans son salon de thé. Les membres de la famille marchande syro-espagnole Kayali lui rendaient souvent visite, tout comme les membres de la famille Assad, qui gouverne toujours la Syrie. À Paris, Salmane recevait des avocats et des personnalités politiques pour des échanges et des débats, souvent autour de la politique du Moyen-Orient.

Ces leçons semblent avoir influencé les fils que Salmane a eus avec sa première femme, Sultana bent Turki Al Soudairi, à partir des années 1950. Ils ont fait leurs études à l'étranger et appris plusieurs langues. Fahd et Ahmed sont devenus des hommes d'affaires prospères, dirigeant le Groupe saoudien de recherche et de marketing, élevant des chevaux de course de niveau international et gérant un partenariat lucratif avec UPS. Sultan est devenu le premier saoudien à voyager dans l'espace, à bord de la navette spatiale américaine Discovery, et Abdelaziz est un expert pétrolier chargé des relations sensibles du gouvernement avec les autres pays producteurs de pétrole. Faisal, quant à lui, est un universitaire; il a obtenu un doctorat en études politiques de l'Université d'Oxford grâce à une thèse portant sur les relations entre les États du Golfe et l'Iran entre 1968 et 1971. Ils entretenaient des amitiés aux États-Unis et Londres et rencontraient souvent des politiciens étrangers. Ils étaient impressionnants, cosmopolites et occidentaux dans leur sensibilité. Pour certains, ils ne paraissaient pas très saoudiens. Ils se sont même opposés à Salmane lorsqu'il a décidé d'épouser une autre femme tout en restant marié à leur mère, une longue tradition dans la culture saoudienne.

On est en 1983. La mère des princes, Sultana Al Soudairi, est traitée dans un hôpital de Pittsburgh pour une greffe de rein. Sultana était une figure vénérée au sein de la famille royale et quasiment adulée par ses cinq fils et sa fille. La famille a fait venir un entourage composé de dizaines de proches et d'aides à Pittsburgh; chaque matin ils se précipitaient dans le hall de l'hôpital universitaire presbytérien pour ne pas manquer l'arrivée de Salmane. Encadré par deux gardes de sécurité, Salmane faisait les cent pas autour de l'hôpital en attendant les nouvelles des médecins.

Avant ce voyage, les trois fils aînés de Salmane, Fahd, Sultan et Ahmed avaient appris que leur père s'apprêtait à épouser une femme bien plus jeune. Ce n'était pas inhabituel; une fois marié, Salmane aurait seulement deux femmes dans un pays où la loi autorise un homme à avoir quatre épouses à la fois. Cependant, ses fils occidentalisés considéraient la polygamie comme dépassée, une insulte pour leur mère et une décision particulièrement indélicate face à une maladie engageant son pronostic vital.

Salmane avait balayé les inquiétudes de ses fils. Mais, à Pittsburgh, Fahd a doublé la mise, quittant l'hôpital en trombe pour se rendre à un aéroport voisin et sauter dans un avion privé, à bord duquel il écrit une lettre à son père qu'il confie à un messager afin qu'il la lui remette en main propre. «N'épousez pas cette femme, écrit Fahd. C'est une insulte à votre épouse.»

Salmane l'a épousée malgré tout. La jeune femme, Fahdah bint Falah Al Hithlain, était la fille d'un chef de la tribu Ajman, détenant une longue lignée de guerriers ayant combattu aux côtés, et parfois contre, les Al Saoud. Deux ans plus tard, Fahdah donnera naissance à son premier fils, Mohammed ben Salmane. Cinq autres fils suivront. Ces six garçons ont reçu une éducation très différente de celle de leurs frères beaucoup plus âgés.

Parvenu à un âge mûr, Salmane avait perdu la rigidité avec laquelle il avait élevé sa première descendance. Un courtisan se souvient que, lors d'une partie de cartes nocturne au domicile du fils du roi Fahd à Djeddah, Mohammed, âgé de cinq ans, est entré en courant et s'est mis à arracher les couvre-chefs des hommes. Le garçon a renversé une tasse de thé et jeté quelques cartes au sol avant que Salmane, en riant, ne rappelle l'enfant rondouillard pour l'étreindre. «Ramenez Mohammed», dit Salmane à l'un des gardes du garçon. Le jeune Mohammed met alors un coup de pied dans l'entrejambe du garde.

Ni Mohammed ni ses frères n'ont embrassé la passion pour le monde universitaire et la vie à l'étranger jadis inculquée à la première génération de Salmane. Tandis que ses frères aînés bâtissaient leur carrière, l'adolescent Mohammed semblait dépourvu de toute ambition. Il avait l'habitude de rêvasser lors des réunions familiales, une tendance que certains prenaient à tort pour de la distraction. En vacances à Marbella ou ailleurs, il partait à l'exploration ou pratiquait la plongée sous-marine en compagnie de son jeune frère Khalid. Il passait des heures à jouer à la console – notamment au jeu vidéo Age of Empires qui consiste à former des armées et conquérir des ennemis – et il raffolait de menus fast-food. Salmane continuait d'accueillir des professeurs et des écrivains et d'organiser des séminaires hebdomadaires, mais ses appels à ce que Mohammed étudie ou lise des livres plutôt que de faire des parties de jeux vidéo relevaient plus du harcèlement que des ordres stricts que le prince délivrait autrefois à ses fils aînés.

Un après-midi, Salmane a reçu un appel d'un membre du personnel, tout désemparé: Mohammed, alors préadolescent, faisait un esclandre dans un supermarché local, vêtu d'une tenue militaire. La police voulait l'arrêter, mais le jeune prince leur disait que c'était chose impossible car il était le neveu du roi et le fils du gouverneur de Riyad. Salmane a géré l'affaire en toute discrétion, mais il était clair que le vieillard sévère avait un faible pour Mohammed, qui ressemblait davantage à un petit-fils, de par les quelque 50 années qui les séparaient.

Lors d'un voyage familial à Cannes en 2000, Salmane a invité un avocat parisien répondant au nom d'Elie Hatem, qui avait rencontré des membres de la famille royale saoudienne grâce à son travail au sein de groupes politiques pro-monarchistes et les côtoyait régulièrement durant leurs séjours en France. Un jour où Hatem était venu déjeuner, Salmane a dit à Mohammed, alors âgé de 15 ans, «Va lire au lieu de jouer». Les hommes s'attardaient autour d'un somptueux buffet moyen-oriental pendant que Mohammed mangeait un MacDo. «OK, papa», a répondu le garçon avec désinvolture.

Un après-midi, Salmane a demandé à Hatem de prendre des nouvelles de Mohammed et de s'assurer qu'il s'affairait à quelque chose de fructueux. «Incitez-le à lire n'importe quoi, même un magazine ou un journal, et dites-lui d'arrêter de jouer», a dit Salmane à l'avocat. Le garçon ne faisait que regarder la télévision.

Peu après cette visite en France, tout a basculé pour le prince adolescent. Il a eu une prise de conscience qui allait modifier en profondeur sa compréhension de l'argent et du pouvoir. Si certains observateurs, comme Hatem, voyaient un jeune homme désorienté se débattre dans l'ombre de ses frères accomplis, ils ignoraient ce que le prince absorbait pendant ses années passées sur la touche. Certes, ses frères avaient appris le raffinement grâce aux professeurs que leur père avait engagés, mais Mohammed, lui, surveillait Salmane de près et découvrait le pouvoir.

Pendant qu'Abdallah était couché sur son lit de mort, Mohammed était devenu, à 30 ans, un adversaire redoutable des fils et des courtisans du roi; il était bien plus énergique, créatif et impitoyable que ce qu'ils avaient anticipé. Il était motivé et persuadé de savoir ce dont le pays avait besoin, non seulement pour survivre, mais aussi pour s'épanouir. En restant aux côtés de son père jusqu'à ses 20 ans, au lieu de quitter l'Arabie saoudite pour suivre des études, Mohammed avait acquis une profonde compréhension des vulnérabilités de ses rivaux au sein de la famille royale.

Avec l'élargissement de la famille royale, le rôle de chef de famille de Salmane devenait pesant et épineux. Chaque prince pouvait avoir jusqu'à quatre épouses à la fois, et avec chacune d'elles, trois ou quatre fils et autant de filles. Pendant les 48 ans de règne de Salmane à Riyad, la famille élargie s'était considérablement développée jusqu'à compter 7000 princes et au moins autant de princesses, qui avaient tous grandi avec le sentiment d'avoir droit à une part des bénéfices pétroliers du pays. Beaucoup menaient une vie prospère mais relativement ordinaire. Certains étaient devenus des philanthropes ou des inventeurs, tandis que d'autres étaient des bons à rien, des joueurs ou des ivrognes. Un grand nombre d'entre eux faisaient preuve d'une avidité incroyable, dépensant des sommes astronomiques sur des collections de montres Bugatti et Patek Philippe, si bien que dans les villes occidentales, on en est venu à associer le qualificatif «saoudien» au consumérisme débridé (suite dans le livre)

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Mohammed Ben Salmane: du Pétrole et du Sang